Le journal de Sophie


Changer de narrateur
Semaine du 2 décembre au 9 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Première semaine de voyage... Première "actualisation" du site des Dubé-Fournier. En une semaine, nous avons changé de monde.

L'hiver québécois a eu à coeur de nous montrer dès notre arrivée de quoi il était capable. Rude réadaptation pour les enfants qui avaient un peu oublié ce que "froid" veut dire, et pour Emmanuel qui n'était venu qu'une seule fois en hiver. On nous a annoncé des -20, -30°C... Je n'ai pas vraiment vérifié. La seule information dont je suis sûre c'est qu'un soir un thermomètre affichait effectivement -12°C, et que ce n'était pas le jour le plus froid. Cependant, la température varie beaucoup d'un jour à l'autre. Nous avons eu quelques chutes de neige, ces jours-là il fait doux, à peine -2°C ou -5°C.

Les jours de grand froid, l'air est sec, la neige étincelle et le soleil luit dans un ciel tout bleu. Dommage que rester dehors tourne vite à la torture dès que le vent se lève un peu. Mais quelle luminosité! Cela fait du bien et cela change des brumes ornaises.

Les enfants ont repris dès le lundi leur emploi du temps habituel (travail scolaire pour le C.N.E.D.).

Vers la fin de l'après-midi, en général, on va ensuite rendre visite à Mémé Flo, ma grand-mère. Elle a atteint le vendredi 8 décembre l'âge incroyable de 100 ans. Nous l'avons fêtée le samedi 9 décembre, en présence de plus de 60 personnes.

Parmi ces personnes, 15 descendants directs de Mémé Flo: 7 des 8 petits-enfants et 8 des 12 arrière-petits-enfants. De nombreux cousins, cousines, neveux, nièces... et amis. Chacun avait une anecdote à raconter au sujet de Mémé Flo, c'était souvent très drôle...

Mémé était très fatiguée depuis quelques semaines, elle semblait se désintéresser de tout, si bien qu'on pouvait avoir quelque inquiétude sur le déroulement de cette fête: ne serait-elle pas trop fatiguée pour y assister? Mais la présence de tous ces amis et parents a semblé la "ressusciter", elle a retrouvé son entrain et son dynamisme.

Le lendemain, nous sommes allés l'aider à ouvrir tous les cadeaux qu'elle a reçus: arrivés vers 11h du matin, nous l'avons trouvée toute guillerette et très intéressée par l'ouverture des paquets. Nous n'avons pu terminé de les ouvrir qu'après le déjeuner, tellement il y en avait...

Voilà donc ce qui a clôturé cette première semaine québécoise. Les enfants ont pu rencontrer une foule de cousins plus ou moins éloignés, que l'on devrait revoir au cours de l'année qui vient, même si la plupart d'entre eux sont un peu éparpillés sur l'ensemble du territoire... Nous sommes remis du décalage horaire, nous avons réussi à reprendre le travail scolaire sans problème... En un mot, tout va bien.

Amitiés à tous, histoire à suivre...

Semaine du 2 décembre au 9 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc



Semaine du 10 décembre au 17 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Cette semaine nous avons eu deux bonnes tempêtes de neige, et la semaine se termine sous une pluie battante et tiède... Inutile de dire que j'ai préféré les tempêtes de neige...

Mais enfin, c'est souvent comme ça au mois de décembre, il arrive même qu'il n'y ait pas vraiment de neige à Noël, allons croisons les doigts.

Et si on parlait un peu de Québec? Je ne vais pas vous faire un cours d'histoire, je ne m'y risquerais pas... Mais plutôt répondre à cette question toute simple: à quoi ressemble Québec?

Québec est située sur le bord du fleuve Saint-Laurent, à l'endroit où il se rétrécit: c'est d'ailleurs la signification du mot Québec en langue algonquine. A cet endroit, une sorte de long éperon rocheux s'allonge entre le fleuve et une grande plaine où se trouve la rivière Saint-Charles. Cette rivière se jette dans le Saint-Laurent au Nord de Québec, constituant une sorte de port naturel.

Cet endroit était très fréquenté par les Amérindiens qui avaient coutume de s'y rencontrer pour commercer.

Sur ce promontoire, que l'on appelle le Cap Diamant, on trouve aujourd'hui ce que l'on appelle "la Haute-Ville", et le Vieux-Québec se trouve tout au bout du promontoire, avec ses remparts surplombant le fleuve. Dans la grande plaine s'étend la Basse-Ville, dont on peut voir les lumières briller le soir, jusqu'aux contreforts des Laurentides, la chaîne de montagnes qui s'étend au Nord du Saint-Laurent. La ville de Québec proprement dite est entourée d'autres communes, l'ensemble formant la Communauté Urbaine de Québec.

Chez Romain, rue Fraser, nous nous trouvons dans la Haute-Ville, assez près (20 minutes à pieds) du Vieux-Québec, de ses remparts et de ses boutiques de souvenirs.

Près du fleuve s'étendent les Plaines d'Abraham. Il s'agit actuellement d'un grand parc urbain. A cet endroit eut lieu une bataille célèbre qui décida du sort de la Nouvelle-France, puisque la victoire des Anglais entraîna la cession de tous les territoires français en Amérique. "Les plaines" sont un lieu de promenade très agréable, en ce moment elles sont couvertes de neige et les enfants peuvent aller y faire de la luge. Ici, on dit simplement "aller glisser". Et les luges s'appellent des traîneaux, ou encore des traînes.

Les maisons de Québec sont très variées, et très différentes de celles que l'on peut connaître en France. Celles du quartier où nous habitons sont en brique rouge sombre, avec deux ou trois étages et un toit complètement plat. Elles sont divisées en appartement, en général un par étage.

Chaque appartement ouvre directement sur la rue par l'intermédiaire d'un escalier extérieur (cela date d'une époque où une taxe fort élevée s'appliquait aux surfaces habitables, les escaliers extérieurs n'entrant pas dans le calcul des dites surfaces...). Les maisons ont très souvent des balcons, que l'on appelle des "galeries".

A l'arrière de la maison se trouvent d'autres escaliers qui servent d'escaliers de secours en cas d'incendie. Il semble que les incendies aient été et demeurent assez fréquents à Québec, ne me demandez pas pourquoi car je n'en sais rien! L'expression consacrée ici est "passer au feu".

Enfin, pour terminer le tableau, les maisons n'ont pas souvent de murs mitoyens: entre deux maisons voisines se trouve un étroit passage, la "ruelle". A l'arrière de la maison se trouve souvent une petite cour.

Il y a aussi des maisons encore plus amusantes, mais je vous les réserve pour une autre fois! A dire vrai, je comptais faire quelques prises de vue cette "fin de semaine" (expression québécoise correspondant à l'expression bien Française "week-end"). Les décorations de Noël à la tombée de la nuit, la neige blanche, les petites maisons ressemblant à de petits châteaux... (autre spécialité québécoise, on aime bien les châteaux ici). La seule chose que je n'avais pas prévue, c'est qu'il ferait gris et qu'il pleuvrait! Autant pour moi!

A la semaine prochaine...

Semaine du 10 décembre au 17 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 18 décembre au 24 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Le temps est redevenu de saison depuis la semaine dernière, c'est à dire qu'il neige au lieu de pleuvoir et que, les jours où il ne neige pas, on a un bon froid sec avec un ciel assez dégagé. Mais on a eu une bonne grosse tempête qui a fait quelques dégâts dans l'Est du Québec: lignes électriques coupées, etc. Ici, à Québec, il n'y a pas eu de gros dégâts mais le vent m'a empêchée de dormir toute la nuit, on entendait cogner de partout, je me demandais dans mon demi-sommeil si la maison allait tenir...

Je vous ai parlé la semaine dernière des escaliers extérieurs typique du quartier où habite Romain. Ces escaliers sont assez dangereux en hiver lorsqu'ils se couvrent de neige. En marchant sur la neige, celle-ci se tasse et se transforme en glace: on a tout intérêt à ne pas être trop pressé lorsqu'on descend ces escaliers, sinon on les descend sur les fesses... dans le meilleur des cas. Il y a 3 jours je suis passée devant une de ces maisons juste au moment où l'ambulance arrivait pour ramasser un vieux monsieur qui était tombé. Je ne vous raconte pas ça pour vous attrister, mais pour vous montrer à quel point nous menons une vie pleine d'aventures et de dangers... Dans les premiers temps, au cours des deux premières tempêtes de neige, j'ai soigneusement balayé les marches de l'escalier de Romain, à peu près quatre fois par jour.

Quand je revenais de ma promenade, tout était à recommencer. Après, la pluie s'est mise de la partie, et la neige restante s'est transformée en glace... Alors j'ai baissé les bras, et l'escalier reste couvert de glace. On fait attention en descendant.

Nous voilà en train de descendre l'escalier

Mais l'essentiel n'est pas là. En cette semaine de Noël, je voudrais pouvoir vous expliquer comme c'est beau Noël à Québec. Malheureusement, la beauté des rues décorées de sapins illuminés, le ciel du crépuscule bleu, limpide, parsemé d'étoiles brillantes, la neige fraîche immaculée, où scintillent d'innombrables paillettes givrées, les maisons emmitouflées dans leur manteau de neige, tout cela ne peut pas être saisi par mon caméscope, qui se refuse à filmer sous cette lumière si particulière. La caméra ne peut capter ce que l'oeil humain voit, du moins la mienne ne le peut pas. Ou je ne sais pas faire les réglages...

Voilà tout ce que je peux vous montrer: Toujours est-il qu'il vous faudra faire un effort d'imagination. Pour avoir une idée plus complète, il vous faudra rajouter l'odeur de la neige, et le crissement des bottes dans la poudreuse, les soirs de neige, ou encore le craquement particulier et sonore sur la neige tassée et prise en glace, les jours de grand froid.

Noël et le jour de l'An sont particulièrement bien célébrés ici au Québec. On l'appelle: "Le temps des Fêtes", et vraiment cela veut encore dire quelque chose pour nous. Alors

JOYEUSES FETES A TOUS ET TRES BONNE ANNEE 2001!

Semaine du 18 décembre au 24 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 25 décembre au 31 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Cette semaine était une semaine de vacances pour les enfants... Nous avons essayé d'en profiter pour visiter quelques musées et assister à quelques-unes des nombreuses animations qui se déroulent dans le Vieux-Québec, plus spécialement dans le quartier dit de "Place Royale".

Mardi, nous avons profité du jour de gratuité des Musées pour visiter le Musée de l'Amérique française et le Musée de la Civilisation. Un peu beaucoup pour une seule journée et mes pieds me l'ont fait remarquer... C'est sans doute pourquoi j'ai mieux profité du premier musée que du second! Viviane vous décrit fort bien le premier et Nicolas le deuxième, alors pourquoi se fatiguer? Parlons d'autre chose!

Québec est une des villes les plus "historiques" de l'Amérique du Nord, l'une des plus anciennes. Ce fut aussi, au cours des quelques petits siècles de son histoire, une place forte stratégique de premier plan, contrôlant l'accès du Saint-Laurent. On l'oublie parfois lorsqu'on flâne entre ses remparts (je me trompe peut-être, mais je crois que c'est la seule ville fortifiée d'Amérique du Nord), à l'intérieur desquels on rencontre surtout des touristes, des boutiques à souvenirs, et des calèches très "couleur locale".

Québec ressemble parfois à une sorte de Disneyland où les petits et grands châteaux ont des airs de décor d'opérette... Une particularité très québécoise en effet transforme beaucoup de maisons en petits châteaux, par l'adjonction de tourelles par ci par là. Personnellement, j'aime assez ça, ça doit être mon côté puéril qui ressort...

En voici quelques exemples:





Ce serait intéressant d'étudier l'architecture du Québec et les différentes influences qui se sont succédées. Sans y connaître grand chose, on repère cependant l'influence anglaise, et plus particulièrement victorienne, mais pour qui connaît Saint-Malo l'influence malouine est assez évidente aussi. Après tout, Jacques Cartier, découvreur du Canada, était malouin. A Saint-Malo aussi on aime les manoirs...

Le plus bel avatar de cet amour des châteaux, c'est évidemment le Château Frontenac. Malgré son nom qui fleure bon la vieille France, il n'a rien à voir avec l'ancien Gouverneur de la Nouvelle-France. Cet édifice a toujours été ce qu'il est encore aujourd'hui: un hôtel de luxe, et il ne date que de la fin du XIXème siècle.

C'est lui qu'on voit sur toutes les cartes postales de Québec: impossible de le louper, il domine le fleuve du haut de la falaise, et la terrasse qui commence à ses pieds est l'une des plus jolies promenades du monde, avec la vue qui s'ouvre au vent du fleuve jusqu'à l'île d'Orléans... En hiver, le vent du fleuve, on l'aime moins. Mais pour les intrépides qui n'ont pas froid aux yeux, il y a une longue "glissade", une sorte de toboggan géant couvert de glace et de neige l'hiver, sur laquelle on glisse avec des "traînes sauvages", traîneaux de bois à fond plat que les indiens utilisaient pour transporter leurs bagages l'hiver...

Tout ceci est bien charmant, et on a peine à croire que bien des batailles se sont déroulées ici même: Anglais contre Français, Anglais loyalistes contre Américains sécessionnistes... Eh oui, l'oncle Sam lui-même a voulu prendre Québec! Les remparts ont tenu bon, et les Anglais, qui avaient été victorieux des Français une dizaine d'années auparavant, ont eu l'intelligence de gagner à leur cause les francophones en autorisant la liberté de religion et la pratique de la langue Française... Moyennant quoi ils ont conservé le Canada... Quant aux francophones, eh bien ils sont encore là aussi! Je ne suis pas sûre que ça fait l'affaire des Anglais, mais ça, c'est une autre histoire...

Et comment je sais tout ça? Bonne question! Parce que le 31 décembre 2000 se trouve à être le 225ème anniversaire d'une bataille que les Américains ont perdue aux pieds des remparts de Québec. Petite bataille qui n'a fait que quelques dizaines de morts (de "vrais morts", comme dirait le guide, car les soldats morts de la variole ne comptent pas!). Il ne faut pas oublier qu'à l'époque il y avait en tout 5000 habitants seulement dans toute la région de Québec. Nous avons donc assisté à une petite conférence sur le sujet, et, si je suis loin d'avoir tout compris, j'ai au moins appris deux ou trois petites choses.

Voilà, ce sera tout pour cette fois.

Semaine du 25 décembre au 31 décembre 2000
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 1er janvier au 7 janvier 20001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Et si on faisait un peu relâche? Cette semaine, pas d'aventures mirobolantes à raconter, nous sommes happés dans une terrible machine nommée administration. Constatant que nous allons passer plusieurs mois et même plusieurs années de ce côté de l'Atlantique, nous avons enclenché une procédure d'immigration pour Emmanuel, afin qu'il devienne "résident permanent au Canada". Si un jour vous tentez l'expérience, lorsque vous recevrez ce qu'ils appellent les "trousses" de demande, c'est-à-dire un gros paquet de formulaires, recommandations diverses, instructions, questionnaires, et que vous croirez devenir fou en y cherchant le fil conducteur, vous penserez à nous (ou on pensera à vous...). En fait, le dossier est beaucoup moins compliqué qu'il ne le serait si nous n'étions pas mariés et résidents du Québec, avec moi, Sophie, citoyenne canadienne, ainsi que nos trois enfants. Dans notre cas, il n'y a pas de conditions minimales de revenus pour s'établir au Québec, ce qui n'est pas le cas dans les autres provinces. Donc pas de formulaires fastidieux à remplir ni de preuves à fournir à propos de ces revenus.

Cependant, il faut réunir un certain nombre de pièces et remplir quelques questionnaires assez longs. Certaines questions en disent long sur la mentalité des autorités canadiennes et aussi, sur une certaine naïveté qui les caractérise parfois. Vous devez répondre par oui ou non aux questions suivantes:

"-Avez-vous été déclaré coupable d'un crime ou d'une infraction au Canada ou dans un autre pays...?

- Avez-vous déjà souffert d'une maladie grave ou de troubles physiques ou mentaux?

- Avez-vous, en période de paix ou de guerre, participé à la perpétration d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité, par exemple l'assassinat, la torture, des agressions contre des civils ou des prisonniers de guerre ou bien leur réduction en esclavage, le fait de les priver de nourriture ou tout acte inhumain commis en leur endroit, ou la déportation de civils?

- Avez-vous eu recours, prévu avoir recours ou incité au recours à la lutte armée ou à la violence pour atteindre des objectifs politiques, religieux ou sociaux, ou entretenu des relations avec un groupe qui a déjà eu recours ou a actuellement recours ou a incité ou incite actuellement au recours à la lutte armée ou à la violence pour atteindre des objectifs politiques, religieux ou sociaux?

- Avez-vous déjà été détenu ou incarcéré?"

Alors, vous sentez-vous prêts à immigrer au Canada?

Pour terminer la page de cette semaine, je vous informe que nous avons acheté notre camping-car! Ici, cela s'appelle un véhicule récréatif (VR) motorisé, ou plus familièrement un "motorisé". Regardez-le, si vous ne l'avez pas déjà découvert, dans notre rubrique: "Les reportages photo".

A la semaine prochaine!

Semaine du 1er janvier au 7 janvier 20001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 8 janvier au 14 janvier 20001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc
Semaine du 15 janvier au 21 janvier 20001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Ah la la les amis c'est la pagaille! On laisse parfois entendre que les gens qui parlent beaucoup ne font pas grand chose, il faut croire qu'il y a du vrai, en tout cas, quand on fait beaucoup de choses, on n'a guère le temps d'en parler. Cependant je me force un peu ce soir à réactualiser le site avant de partir demain pour le Sud! Car nous n'avons aucune idée de la façon dont nous allons pouvoir continuer à actualiser le site ensuite. Nous trouverons sûrement un moyen...

Depuis deux semaines, et surtout depuis lundi dernier, on est dans les préparatifs jusqu'au cou. Et ce n'est pas simple! Enfin, maintenant tout semble réglé, et nous voilà prêts pour la troisième phase de l'opération "Tour du Monde".

Notre séjour à Québec s'achève. Il a constitué une sorte de sas entre la vie d'avant et la vie d'après! Une fois réglés les problèmes liés au départ de France, il a fallu régler ceux liés au voyage lui-même: camping-car, entre autres...

Nous quittons Québec à la veille du Carnaval et au début de la période des grands froids.

Un autre événement qui va se dérouler à Québec et que nous ne verrons pas: le Sommet des Amériques, pour lequel un large périmètre de sécurité instauré autour des lieux de congrès va obliger les habitants de Québec à quelques détours...

Les mouvements anti-mondialisation s'agitent quand même et comptent bien manifester... Nous suivrons ça comme vous... dans les médias!

Prochaine étape dans notre voyage: La Caroline du Nord. Cet Etat qui fut un des Etats Fondateurs, l'une des "Treize Colonies" qui firent l'indépendance contre l'Empire Britannique, fut aussi le premier à ouvrir le feu 100 ans plus tard contre les forces Nordistes, déclenchant la guerre de sécession. Et pourtant, il paraît que cet endroit respire le calme et la sérénité... J'ai hâte de voir ça!

A bientôt, sous d'autres cieux!

Semaine du 15 janvier au 21 janvier 20001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc



Semaine du 22 au 28 janvier 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

La grande migration!

Dure, dure, la migration vers le sud! Mais ça valait la peine. Evidemment, le mois de janvier n'est pas le meilleur moment pour partir à bord d'un camping-car dont on ne connaît pas encore tous les défauts... Mais enfin, on avait toujours la possibilité de se réfugier dans un motel au cas où la situation deviendrait vraiment intolérable... En attendant ce point de rupture, je pouvais toujours me répéter la phrase de Guillaumet marchant dans les Andes après s'être crashé en avion: "Ce que j'ai fait, aucune bête ne l'aurait fait"...

Au moment où on a quitté Québec, il faisait environ -20°C. Dans ces conditions, installer les bagages dans le camping-car était déjà une épreuve en soi... Quant à monter le porte-vélo à l'arrière du véhicule, inutile d'y penser, à moins de souhaiter y laisser un doigt ou deux. Aussi a-t-on entassé les bagages au petit bonheur et laissé les cinq vélos à l'intérieur du "motorisé".

Il a fallu ensuite habiller les enfants comme pour une expédition polaire: sous-vêtements thermolactyl (merci Damart, même s'ils ne nous sponsorisent pas...), pulls, manteaux, bonnets, écharpes, bottes... Puis on a tenté de mettre en route la chaudière au propane... Chouette, elle marche, et il y a du propane dans le réservoir. Une horrible odeur de gaz envahit bien le véhicule, mais tant pis!

Après la tournée des adieux, on part en direction de Montréal. Il est déjà midi! Il ne neige pas, mais si les enfants sont bien réchauffés par la fournaise à gaz, nous, devant, on gèle... Je manque m'étouffer de surprise quand je les vois enlever manteaux et pulls. Devant, l'habitacle reste désespérément froid. On a beau actionner tous les boutons destinés à nous procurer du chauffage, tout ce qui pénètre dans l'habitacle est de l'air à peine plus chaud que celui du dehors.

Avant même d'arriver à Montréal, le tachymètre se met à déconner et Emmanuel qui ne supporte pas de le voir comme ça ni d'entendre le bruit éprouvant qu'il émet décide de s'arrêter pour réparer. Ce faisant il casse autre chose et doit donc effectuer deux réparations au lieu d'une. Les enfants jouent dans un Burger King pendant ce temps. Avec tout ça, il est bien tard, la nuit tombe et peu après le réservoir de propane se révèle vide: plus de chauffage.

On cherche en vain un endroit où faire le plein de propane et on se résout à passer en territoire "ennemi" sans avoir fait le plein. Les enfants ont enfilé à nouveau leur panoplie polaire et on passe la frontière américaine...

On fourre les enfants dans des duvets polaires, tout habillés et serrés les uns contre les autres, et on poursuit vers le sud... Il neige à gros flocons... Il fait nuit... Et il n'y a toujours pas de chauffage dans l'habitacle... Je pense à Guillaumet... Enfin, en cherchant à tâtons le réglage du chauffage, je déclenche accidentellement un bouton non encore repéré: ô, miracle, de l'air chaud déferle sur nous!

Finalement, vers 2 heures du matin, on s'arrête à l'entrée d'une autoroute et on dort jusqu'au petit matin...

Les journées suivantes ressemblent assez à la première, à la différence près qu'au fur et à mesure de notre avancée vers le sud, moins de froid, moins de neige, plus de soleil... facilitent jour après jour notre "survie". Finalement, on a fait une halte en Caroline du Sud pour qu'Emmanuel puisse enfin monter le support à vélos, et gagner ainsi un peu de place dans le motorisé. Une vague de froid sévissait à ce moment sur tout le sud des U.S.A., aussi la nuit a-t-elle encore été fraîche: glace à l'intérieur du camping-car, sur les vitres...

Finalement, les Carolines ne nous ayant pas paru suffisamment chaudes, on a décidé de poursuivre notre périple jusqu'en Floride. Et effectivement, à partir de notre arrivée en Floride, on peut dire qu'on a changé de saison. C'est l'été, sauf que la nuit tombe vers 18 heures (ce qui est déjà deux heures plus tard qu'à Québec tout de même.)

On a pris toute une semaine pour descendre ici, aussi l'urgence maintenant, c'est de se poser pour que les enfants rattrapent leur retard...

De cette traversée du Nord au Sud de la côte Est des U.S.A., je garde quelques images volées au passage: des ponts immenses traversant d'immenses étendues d'eau, des raffineries gigantesques illuminées se reflétant sur l'eau...

Les sapins faisant place aux arbres dénudés, le sol couvert de neige laissant apparaître des plaques d'herbe jaunie, puis les palmiers et l'herbe verte ici en Floride... Un printemps en accéléré en quelque sorte, suivi d'une ambiance tropicale... bien agréable.

Le camping-car nous a révélé ses quelques faiblesses, et Emmanuel a du pain sur la planche pour les jours et les semaines qui viennent... Ça tombe bien, il n'a rien d'autre à faire!

A bientôt!

Semaine du 22 au 28 janvier 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 29 janvier au 4 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Premières impressions de Floride

Cette semaine, nous sommes sédentaires... Il a fallu en effet s'installer quelque part pour que les enfants puissent se remettre au travail. On n'avait pas prévu que la migration vers le sud serait si longue, aussi il devenait urgent de s'organiser pour que les enfants puissent rattraper un peu leur retard scolaire...

Nous sommes restés une journée dans un camping au bord du lac Okeechobee, mais il était vraiment trop coûteux et pas très pratique. Le lac Okeechobee est situé à l'Ouest de Palm Beach, c'est un très grand lac qui m'a tout l'air artificiel, vu que sur des kilomètres il est ceinturé par une digue... Il constitue une voie de passage pour les bateaux entre la côte atlantique et le Golfe du Mexique. Il y a d'ailleurs en Floride un réseau impressionant de canaux de toutes sortes, je découvre que la Floride est le paradis des plaisanciers. En particulier, tout le long de la côte atlantique, une grande voie d'eau appelée "Intracoastal Waterway" permet aux navires, petits et gros, de remonter en longeant la côte mais à l'abri des vagues et des tempêtes, vers le Nord, jusqu'aux grands lacs, et par là jusqu'à l'estuaire du Saint-Laurent. On peut aussi couper par le lac Okeechobee et rejoindre le Golfe du Mexique. Cette Intracoastal Waterway passait ainsi le long du camping où l'on a fait notre première halte, en Caroline du Sud.

Le lac Okeechobee regorge d'oiseaux et d'animaux divers, je sais que Nicolas vous en parle longuement dans son journal aussi je n'insiste pas.

Nous avons quitté le lac Okeechobee pour nous installer au camping de Phipps Park, à Stuart, au Nord de Palm Beach. Nous sommes au bord du canal Ste Lucie, qui relie l'Intracoastal Waterway au lac Okeechobee. Ici, tout le monde a une canne à pêche à la main, et c'est le début de la saison du Snook, un poisson très prisé ici.

Pendant que les enfants se remettent à leur travail scolaire, Emmanuel essaie d'arranger le camping-car pour qu'il soit un peu plus confortable. Ce n'est pas du luxe: le détendeur de propane fuit comme une passoire et ça ne s'arrange pas. Chaque fois qu'on ouvre le robinet pour cuisiner, on perd du propane dans l'atmosphère, ce qui est très peu écolo et très peu économique aussi, sans parler du danger... Raccorder des tuyaux à d'autres tuyaux est moins simple qu'il n'y paraît, et en attendant cela nous fait visiter toutes les boutiques de Stuart.

Il fait chaud, très chaud. Heureusement, des palmiers bien placés font de l'ombre sur notre table à pique-nique aux heures les plus chaudes. Il paraît qu'à une période anormalement froide succède à présent une période anormalement chaude. Ne nous plaignons pas! Il y a des choses qu'une personne vivant habituellement en Normandie ne peut qu'apprécier. Exemple: vous faites une petite lessive le matin, vous l'accrochez encore toute dégoulinante d'eau à 9 heures le matin, et à midi, elle est sèche! Dans ces conditions, la vie est tout à coup beaucoup plus simple...

La nuit, les étoiles au ciel sont à la fois familières et étranges: Orion grimpe jusqu'au Zénith, la grande ourse, elle, est bien basse sur l'horizon. Quant à la lune, elle nous sourit bizarrement, presque complètement couchée sur l'horizon, avec ses deux cornes pointant vers le haut. Excusez ma naïveté, mais c'est la première fois que je descends si bas en latitude... Alors tout m'étonne et me ravit.

On n'a pas beaucoup de confort dans ce camping (mais il n'est pas cher non plus!), et comme on est installé loin des sanitaires, on doit aller chercher de l'eau dans un bidon. On y va à vélo. Quand Emmanuel revient ainsi chargé, entre les palmiers, il a tout à coup un air très exotique... D'ici à ce que ses yeux deviennent bridés, où que sa peau devienne toute noire.... ce qui est d'ailleurs en train d'arriver, vu qu'il bronze si facilement!

Bon, je vais m'arrêter là. On a un horrible retard dans la mise à jour du site aussi, en particulier pour la capture des photos. Aussi les photos de cette semaine concernent la semaine précédente, j'en suis désolée, mais on fait ce qu'on peut! Estimez-vous heureux si le site est actualisé, ce sera grâce à mon gentil frère Dimitri, que je salue...

Semaine du 29 janvier au 4 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 5 au 11 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Stuart, Florida

Encore une semaine sédentaire, mais on commence à se repérer efficacement dans Stuart et notre apparente immobilité est en fait bien utile. On a pu changer le détendeur de propane, et on ne risque plus d'exploser chaque fois qu'on se fait cuire une soupe. On a commandé un panneau solaire pour pouvoir recharger notre batterie même lorsqu'on ne roule pas dans la journée. La plupart des "RVistes" (traduisez: des usagers de Véhicules Récréatifs) possèdent une génératrice à essence, sorte de petit moteur à explosion dont l'unique fonction est de recharger la batterie de leur VR (RV en anglais). Ces petites pétrolettes pétaradent à qui mieux mieux dans la journée et même le soir pour permettre à ces campeurs délicats d'utiliser dans leur "motor-home" télévision, four à micro-ondes, air conditionné, etc.

Inutile de vous dire que pour l'instant on ne souffre pas assez du manque de confort pour se procurer un des ces engins démoniaques. Cependant, si l'on n'a pas roulé dans la journée, ce qui est fréquemment le cas en ce moment, la batterie ne nous délivre le soir qu'une lumière plus que parcimonieuse qui nous empêche d'y voir plus loin que le bout de notre nez. Pratique pour faire la vaisselle ou les lits... D'autant plus, je vous le signale, que la nuit tombe tôt sous les tropiques (peu après 18h, il fait noir comme dans un four). On espère que le panneau solaire sera la solution à notre petit problème.

On a également trouvé le chemin de la bibliothèque, dans laquelle les péquins comme vous et moi peuvent se connecter sur Internet. Ce qui m'a permis entre autres de relever notre boîte aux lettres électronique et de répondre aux messages qui s'y trouvaient, mais malheureusement pas de renouveler le site...

On a pu aussi découvrir les environs, et tout particulièrement les beaux endroits où l'on peut voir l'Intracoastal Waterway et la mer ouverte (l'Océan Atlantique). On est allé se baigner certains jours de canicule... La mer est belle, avec de grosses vagues très désordonnées, un peu chaotiques... En fait un mer un peu vicieuse, mais pas trop.

Juste de quoi s'amuser dans les vagues, sans prendre de gros risques. On y voit aussi quelques méduses, dont une appelée ici "Portuguese Man of War" (Bateau de guerre portugais) , ou, en abrégé, "Man-o-War". Il nous a fallu un peu de recherches et de cogitation pour arriver à éclaircir ce mystère. En effet, dans le tableau d'information situé à l'entrée de la plage, sont recensées les "sea pests" (nuisances marines?). Si la traduction de "Jellyfish" (méduse) ne nous a pas posé de problèmes, les "man-o-war" nous ont d'avantage intrigués. Quand on nous annonce un danger potentiel, on aimerait bien savoir lequel. Finalement, l'échouage sous nos yeux... médusés de l'un de ces "vaisseaux de guerre" a fait remonter des souvenirs de salles de Travaux Pratiques de Biologie Animale. Et nos avons reconnu une Physalie... Sorte de colonie de polypes groupés en longs filaments sous un gros flotteur, pourvu d'une expansion en forme de carène de bateau. Seulement, la Physalia que nous avons vue ici était rose, bleue et blanche, colorée comme un jouet de plage. Et celle que j'ai vue à Jussieu lors de mes études était toute grise d'avoir séjourné de nombreuse années dans un bocal de formol!

Cet exemplaire est une maquette mais cela aidera ceux que ma description n'a pas convaincus!

On attend en vain les cours de Nicolas (deuxième semestre). Comme les deux petits ont fini leur série de cours, on ne va pas bêtement rester plantés là, on va en profiter pour aller visiter les Everglades et les Keys, plus au Sud (tout au Sud).

A la semaine prochaine!

Semaine du 5 au 11 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 12 au 18 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Les Everglades

Une semaine riche en découvertes... C'est le genre de semaines qui compte double... ou triple... vu la quantité de choses nouvelles et l'intensité de certaines émotions...

Nous avons passé la plus grande durée de la semaine dans les Everglades, mais nous sommes loin d'avoir fait le tour de tout ce qu'il y avait à voir et à apprendre. L'atmosphère dans ce parc National nous a beaucoup plu, on peut dire que d'une certaine façon nous nous y sommes sentis chez nous, dans notre élément, entourés de gens ayant notre façon de vivre et de considérer le monde...

Les "Rangers", employés des Parcs Nationaux qui ont en charge aussi bien l'entretien, la sauvegarde de ces Parcs que l'information du public, offrent des sorties guidées sur les divers sentiers du Parc, et notre seul regret est de ne pas avoir pu en faire plus...

Il est évidemment hors de question de tout vous raconter, et ça n'aurait pas beaucoup d'intérêt quand on n'a pas les plantes ou les animaux en question sous les yeux... Mais je vous dirai quand même quelques mots sur les aspects les plus intéressants.

J'ai toujours pensé que les EVERGLADES étaient des sortes de marécages... Erreur grossière! Les Everglades sont un fleuve. Un fleuve de 50 miles de large et ... 15 à 30 centimètres de profondeur, qui s'écoule à la vitesse de 150m par jour environ, et dont le lit est encombré d'une sorte d'"herbe" (en fait, une Cypéracée) que les Américains appellent "saw-grass", l'herbe scie, à cause des dents coupantes qui bordent ses feuilles (Luc en a fait la triste expérience).

Deuxième chose: il y a ici une saison sèche et une saison humide. De Mai à Octobre, il pleut quasiment tous les jours, avec de gros orages, des tempêtes, et, de temps en temps... un bon gros cyclone. La saison des cyclones, c'est le mois de Septembre. Pendant cette saison, il fait encore plus chaud qu'en ce moment, et les moustiques pullulent (rappelez-vous de ce que je vous dis quand vous programmerez votre voyage en Floride!)

Après cette saison humide, la saison sèche prend le relais. De Novembre à Avril, il fait moins chaud, il ne pleut presque pas, et il n'y a pas beaucoup de moustiques. Encore que, entre nous, la réputation de la Floride soit vraiment surfaite. Depuis trois semaines que nous y sommes, nous avons tout de même eu une journée de pluie et une averse. Foutu pays! Si ça continue, je m'en vais!

Pour en revenir aux Everglades, autrefois l'eau qui tombait pendant la saison humide s'accumulait en raison de la très faible déclivité. La Floride est en effet une langue de terre extraordinairement plate, et au niveau des Everglades le point culminant se situe aux alentours de 2 mètres au dessus du niveau de la haute mer.

De plus, le lac Okeechobee donc je vous ai parlé il y a quelques semaines se remplissait progressivement de toute l'eau déversée dans le bassin de la rivière Kissimmee qui l'alimentait. Contrairement à ce que je pensais, ce lac n'est pas du tout artificiel, mais la digue qui le ceinture a été construite après les années 20 pour tenter d'éviter les inondations. Sans le savoir, lorsque nous campions près du lac Okeechobee, nous avions sous les yeux un des éléments qui menace les Everglades et aurait causé la disparition de tout cet écosystème si les autorités n'étaient pas en train de faire marche arrière, ou tout du moins de tenter de limiter les dégâts.

J'explique:

Le Nord des Everglades a été défriché et mis en culture (canne à sucre). Cependant, cette région était historiquement une sorte de fleuve, et ce qui devait arriver arriva. A la suite d'une grosse tempête, le lac Okeechobee a débordé, tout la zone a été recouverte par les eaux, et 2500 personnes sont mortes. On a donc déployé les grands moyens pour canaliser, drainer, endiguer... Le résultat c'est que l'eau qui coulait autrefois dans les Everglades est maintenant évacuée vers l'Océan Atlantique et le Golfe du Mexique sans passer par les Everglades. Qui ont perdu 90% de leur population d'oiseaux nicheurs. Et c'est donc une autre de mes découvertes: Les Everglades ne vont pas bien du tout...

Malgré cela, il reste encore suffisamment de vie là-bas pour éblouir les amoureux de la nature. De plus, en saison sèche, les animaux se regroupent dans les rares endroits où il reste encore suffisamment d'eau: on a donc des alligators posés là comme si on les avait semés. Il y en a partout, des petits, des gros, c'est hallucinant. Et des tortues (de Floride, celles qui languissent dans vos aquariums...), des loutres, des tas d'oiseaux (beaucoup d'échassiers, en particulier des hérons et des aigrettes, mais aussi des ibis, des pélicans, des cormorans, des anhingas..).

La végétation n'est pas moins intéressante: quelques dizaines de centimètres d'élévation suffisent à modifier complètement le biotope: des îlots d'arbres émergent de cette prairie de saw-grass. Ces petits tertres regorgent de plantes tropicales aux troncs couverts de plantes épiphytes, de fougères, etc.

Mais le souvenir le plus riche en émotion, c'est sans aucun doute la promenade nocturne que nous avons faite avec un ranger le long d'un circuit aménagé longeant un canal. Nous avions parcouru ce sentier un peu plus tôt dans la journée, et pu observer les nombreux alligators faisant la sieste au milieu des échassiers et des tortues.

Rien ne nous avait préparés au spectacle qui nous attendait. Dans les faisceaux des lampes de poche, les yeux des alligators brillaient d'un feu rouge, assez inquiétant en soi, surtout quand la réflexion sur la surface de l'eau dote chaque alligator de quatre de ces étranges lumignons... Mais le plus surprenant, c'est que ces grosses bêtes apathiques se sont réveillées, et qu'elles avancent, silencieusement mais rapidement, à la surface de l'eau, leur bouche entrouverte laissant voir deux rangées de crocs blancs acérés se détachant nettement sur un fond rougeâtre... Des poissons en nombre incroyable glissent, eux aussi, sous la surface de l'eau, leurs trajectoires frôlant par moment celle des grands monstres silencieux. Et tout à coup: schlack! Un coup de mâchoire sur le côté, qui fait jaillir l'eau et résonne loin et fort dans le silence de la nuit... Raté! Un alligator rate sa proie 99 fois sur 100. Et lorsqu'enfin il attrape un poisson, il prend 3 jours pour le digérer. Alors dans la nuit, tout autour de nous, l'air résonne des dizaines et des dizaines de coups de mâchoires improductifs. Et inlassablement, jusqu'au lever du jour, ces créatures impressionnantes sillonnent leur marigot, mâchoires entrouvertes et yeux de braise... Brrrrrrr! On est content d'avoir vu ça... et encore plus content de ne pas coucher sous la tente, ce soir, mais dans un véhicule bien solide....

Je ne vous parlerai pas des Keys cette semaine, il faut en laisser pour plus tard... A la semaine prochaine!

Semaine du 12 au 18 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 19 au 25 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Key West, Key Largo, rêves ou cauchemars?

Bon, cette semaine, retour à la case départ: le camping de Phipps Park, où les enfants font de l'école à outrance pour pouvoir ensuite se repayer une semaine de bon temps... S'ils sont suffisamment "performants", ils devraient pouvoir finir leur série de cours avant qu'on se rendre à Cap Canaveral pour voir le prochain décollage de la navette spatiale, prévu le 8 mars.

On a reçu le capteur solaire qu'on avait commandé, grâce à lui même si on roule pas dans la journée notre batterie "domestique" se recharge et on a, le soir, un peu de lumière. On peut même, parfois, utiliser la pompe électrique pour avoir de l'eau au robinet, comble du luxe! Ceci, évidemment, lorsque la dite pompe fonctionne suffisamment bien pour ne pas nous cracher plus d'air que d'eau à la figure.

La rivière qui longe le camping est en fait un canal, celui qui relie le Lac Okeechobee à l'Atlantique. C'est le canal Sainte-Lucie. Et pour ceux qui ont bien suivi, c'est l'une des deux voies par lesquelles l'eau du Lac regagne la mer sans passer par les Everglades, suite aux travaux réalisés par le US Army Corps of Engineers. Ces gens là remplissent à peu près le même rôle que les Ponts et Chaussées en France, mais ils sont essentiellement spécialisés sur l'hydrographie. Ils construisent barrages, canaux, centrales hydroélectriques, etc. Ils ont, au cours de leur histoire, créé une multitude de lacs artificiels, et ils ont la bonne idée d'aménager toujours au bord de ces lacs une aire de camping au confort plutôt sommaire mais au prix également très bas... Pour l'instant on n'a pas encore eu l'occasion d'essayer l'un de leurs "campgrounds", mais ça arrivera bien un jour.

Le camping ici est géré par le "County", c'est un niveau administratif qui doit correspondre à peu près à nos "cantons". Je dois dire que je n'ai que des compliments à faire vis-à-vis de la gestion de ce "County" qui nous offre non seulement le seul camping abordable de la région mais aussi un bibliothèque d'où n'importe qui peut accéder gratuitement à Internet, ainsi que des aires de pique-nique bien aménagées et des plages avec douche d'eau douce, toilettes, etc. Donc, pour ceux qui envisagent de visiter un jour la Floride, sachez qu'il n'y a pas que Miami ici. Et que pour les gens qui ne roulent pas sur l'or, il peut s'avérer beaucoup plus confortable de visiter la région de Stuart!

A ce propos, justement, je voulais vous parler de notre escapade dans les Keys... Cette chaîne d'îles s'étire en arc de cercle au Sud de la Floride. Toute une légende entoure ces îles tropicales ceinturées de mangrove. L'eau turquoise, les plages de sable blanc, la végétation luxuriante, le métissage des cultures.. antillaise, espagnole, cubaine, etc. Les spécialités culinaires, comme la tarte à la limette (Key Lime Pie), les fruits de mer... Et enfin les couchers de soleil grandioses, à nuls autres pareils. Tout un programme, bien alléchant! Qui voudrait rater ça?

Premier accroc au rêve exotique: le prix des campings dans les Keys. Impossible d'en trouver un à moins de $50 (au taux actuel ça nous fait environ 350F la nuit). Deuxième accroc: un bruit tenace court parmi les adeptes du Véhicule Récréatif. Il semble qu'il n'y ait pas moyen de se garer tranquillement pour la nuit dans un parking de grande surface ou sur une aire de repos. La police nous en chasserait immédiatement. Dans les Keys, on n'aime pas (plus?) les vagabonds de notre espèce.

Dès notre arrivé à Key Largo, le premier des Keys, une impression d'arnaque flotte dans le paysage: on ne voit pas la mer, mais des rangées ininterrompues d'hôtels, de motels, de campings, de restaurants et de magasins de souvenirs. Pour un peu, on refuserait de croire qu'on est sur une île.

La route défile, on est presque arrivé au mileu des Keys, et on n'a pratiquement aperçu la mer que lors du passage des ponts. Lesquels sont assez courts dans toute cette partie du trajet. Quant à s'arrêter pour manger... les seules aires de repos sont étroites, serrées contre la route, et la "vue" se limite à une haie qui bouche tout espoir d'apercevoir la mer.

Ah, c'est sûr, si on mangeait au retaurant, on aurait droit à la terrasse avec vue imprenable sur les eaux limpides et les cocotiers...

Il y a bien quelques "State Parks" sur le chemin, mais l'entrée est payante, et pas vraiment dérisoire. Il semble bien que sur les 100 miles qui s'étirent de Key Largo à Key West (160 km tout de même), il n'y a qu'une seule plage publique et gratuite... Mais comme le soleil se couche tôt et qu'on veut tout de même voir le soleil se coucher à Key West, histoire de ne pas avoir fait tout ce trajet pour rien, on continue vers l'extrémité de la route, un peu comme on foncerait dans un mur...

Finalement, on arrive à Key West. Et comme on meurt de chaud, et qu'on aperçoit une plage, avec en plus possibilité de garer notre monstre en face, on essaie de se rafraîchir dans l'eau verdâtre et glauque de Key West. Une multitude de paquets de sargasses flottent ça et là, aucune vague ne donne vie à cette eau dormante qui semble elle aussi accablée par la chaleur, et sous les pieds la vase a un contact visqueux assez écoeurant. D'ailleurs, pour être francs, on est les seuls à se baigner, les autres êtres humains semblent plutôt occupés à transformer leur peau blanche en peau rouge, et ce, avec succès.

Néanmoins, ce bain m'a aidée à chasser la migraine qui me martelait la tête. J'envisage avec un certain enthousiasme d'aller voir le coucher de soleil, mais pour ça il faut traverser l'île. Et de l'autre côté, notre monstre se fraie difficilement un chemin dans les rues étroites. Quant à se garer...

On n'a pas vu le soleil se coucher à Key West. Alors on ne peut pas mourir... Finalement, ça tombe bien, car je n'ai aucune envie de mourir tout de suite!

Le retour se faisant de nuit, l'intérêt du trajet diminue encore fortement, passant de peu intéressant à vraiment gonflant. On réussit à prendre notre souper sur la petite plage publique, avec vue sur les étoiles, mais si l'idée d'ouvrir les lits et d'attendre là le matin nous est bien passée par la tête, la visite du Shériff nous expliquant (courtoisement, il est vrai) qu'il était hors de question de rester là pour la nuit a mis fin à ce moment d'égarement. Où croyez-vous que vous êtes? Vous êtes dans les Keys ici, et le bonheur tropical se paye au prix fort. Si vous n'en avez pas les moyens, vous pouvez filer! Ah, il est loin le temps où les Keys étaient le refuge des marginaux de tout poil, des hippies et autres vagabonds...

Il faut avouer que la gentille organisatrice avait le moral assez bas. Quel cuisant échec! Pourquoi avoir traîné toute la smala dans un voyage aller-retour le long d'une route épuisante et sans intérêt? Et on n'avait même pas goûté à la fameuse Key Lime Pie avec tout ça!

Heureusement, ne voulant pas nous avouer battus, on refait une tentative plus limitée le lendemain: aller voir un récif corallien avec un bateau à fond de verre...

Une belle sortie en mer, qui nous permet de vérifier que l'eau est bien turquoise, voire vert fluo, par endroits.

Qu'il y a bien des récifs de corail... Je ne vous enverrai pas d'images des récifs coralliens, on ne s'est pas donné la peine d'en faire, car elles auraient eu piètre figure face à celles que vous pouvez voir quotidiennement sur vos petits écrans, filmées par des professionnels.. On a préféré regarder en direct... Etonnement de ma part: les poissons sont vraiment aussi serrés là-dedans que dans un aquarium, c'est assez extraordinaire...

Pour couronner cette journée plus réussie que la première, on a pu se procurer une Key Lime Pie, et se la manger comme dessert.

En gros, c'est une croûte de pâte biscuitée (biscuits graham, pour ceux qui connaissent), remplie d'une crème au citron vert et garnie d'amandes effilées. Et, curieusement, on l'a mieux aimée le deuxième jour, comme si on devait se laisser le temps de comprendre son goût... (Ou alors c'est qu'elle était plus froide le lendemain après une nuit au frigo, et que c'est meilleur frais...). On a pu aussi vérifier que le parking du K-Mart de Key Largo était vraiment accueillant envers les RVistes...

Donc, en guise de bilan, disons qu'il doit encore être possible de profiter des Keys, mais à condition d'avoir établi sa stratégie à l'avance en profitant des conseils de ceux qui y sont allés récemment...

Un dernier petit mot... On a les pires difficultés avec notre logiciel de capture d'images, aussi je n'arrive pas à vous offrir des photos en rapport avec ce qu'on raconte... Il faudra laisser marcher votre imagination, pour un moment...

Semaine du 19 au 25 février 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 26 février au 4 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Le début du vrai nomadisme...

Cette semaine, plutôt que de rester plantés au camping de Phipps Park, on a tenté une autre solution: se rapprocher de la mer...

La plage de Stuart est en effet assez éloignée du camping, et rouler en ville, avec le motorisé, nous fait brûler autant d'essence que de faire 100 km sur une autoroute. Sans compter le temps perdu dans les trajets.

Je vous ai sûrement déjà expliqué que la Floride est bordée, à l'Est, par un long cordon d'îles sablonneuses. Je commence tout juste à mieux comprendre de quoi il s'agit. Vous avez peut-être déjà vu un cordon dunaire et, à l'arrière, des étangs littoraux... C'est la même chose ici sauf que l'échelle n'est pas la même... Derrière le cordon d'îles se trouvent d'immenses lagunes, qui communiquent de loin en loin avec la mer par des passes que les Américains appellent "Inlet". Cette lagune sert de voie de passage à l'Intracoastal Waterway, les différentes lagunes ayant été réunies par des canaux pour assurer la continuité de la navigation. Toutes les plages que nous avons vues jusqu'à présent se trouvent sur les îles, face à la mer ouverte. La lagune est, elle, bordée d'embarcadères et de jetées destinées à la pêche.

A Stuart, et en remontant vers le Nord jusqu'à Cap Canaveral, la lagune porte le nom d'"Indian River". Pour se rendre à la plage, il faut traverser l'Indian River, qui peut être assez large. En plus, à Stuart, la Saint-Lucie River (une vraie rivière, celle-là) se jette aussi dans l'Indian River. On passe donc sur une série de ponts qui s'appuient sur des îlots. Le tout forme une route vraiment magnifique... On appelle ce genre de route, traversant la lagune, des "causeways". Sur certains, des aires à pique-nique sont aménagées. On dispose de tables (certaines protégées du soleil par un toit), de barbecues, de toilettes... Le tout au bord d'une immense lagune d'eau salée d'où bondissent joyeusement les poissons, où plongent les pélicans bruns, et où on voit même, parfois des choses encore plus intéressantes...

Ainsi, cette semaine, les enfants ont fait leur travail scolaire au bord de l'eau. Travail scolaire parfois troublé par un spectacle qui vaut le déplacement: émotion garantie ! Cette semaine, nous avons aperçu des dauphins... Une petite troupe s'ébattait au milieu de l'Indian River, à quelques encablures... Quand j'ai aperçu les ailerons, j'ai d'abord pensé à des requins, mais très vite le mouvement très caractéristique des cétacés m'est apparu évident, vu que j'avais déjà eu la chance d'observer des baleines dans le Saint-Laurent. Ces dauphins là m'ont paru très grands, de couleur grise... Malheureusement, on n'a pas encore fait l'acquisition d'un guide de terrain concernant ce genre d'animal...

Après le travail, la détente... Direction la plage, sur la face orientale de l'île. Baignade dans les vagues gigantesques.

Puis, une bonne douche à l'eau froide (mais il fait 30°C certains soirs, alors on n'a pas froid...), nous voilà parés pour la nuit. On mange sur place, et puis on regagne au choix le parking de la Bibliothèque du County, ou encore celui du Wal-Mart. Wal-Mart, une chaîne de magasins beaux bons pas chers qui a l'excellente idée d'autoriser le stationnement de nuit des véhicules récréatifs sur ses terrains de stationnement. On peut utiliser leurs toilettes, faire quelques courses (il manquait justement du lait...), et ensuite dormir jusqu'au lever du jour, entouré d'autres vagabonds dans notre genre.

J'ai en plus découvert durant cette semaine qu'à la Bibliothèque il y avait des tables équipées de prises de courant, j'ai donc pu travailler un peu à la capture d'images dans d'excellentes conditions. (Auparavant, à Phipps Park, je faisais ça dans les toilettes, accroupie ou assise de travers sur un comptoir trop haut, pendant que des colonnes de petites fourmis traversaient en tous sens la zone des opérations, à la recherche de quelque chose à manger. Je n'aime pas beaucoup les fourmis, mais je dois reconnaître que celles-ci ne m'ont jamais piquée.)

On a acheté des cannes à pêche aux enfants, et on a fait quelque tentatives... Un pêcheur très gentil m'a informée que j'étais en train d'utiliser un leurre pour l'eau douce alors que je pêchais dans l'eau salée... Il m'a même donné un leurre en me souhaitant bonne chance, mais pour l'instant, c'est bredouille et rebredouille... On n'est pas près de se nourrir de notre pêche ! Les pélicans sont plus malins que nous...

Une seule ombre au tableau: la température est montée vraiment un ou deux degrés trop haut et, par une journée sans vent, on a été harcelés sur la plage par de petites mouches noires de la taille d'une puce, que les Américains appellent "Sand Flies". Ce jour là, on a vraiment eu hâte de remonter vers le Nord.

Mais, bon, il faut bien quelques ombres au paradis... On n'en est pas morts, ni les uns ni les autres!

A la fin de la semaine, on est partis vers le Nord, Direction Cap Canaveral. En chemin, on a visité un musée installé près du lieu où une douzaine de galions espagnols ont fait naufrage en 1715. Ils étaient chargés jusqu'au plat-bord avec de l'or, de l'argent, des porcelaines précieuses, des bijoux... La chasse au trésor vous tente-t-elle? Lisez la rubrique de Viviane, elle en parle justement...

Amitiés à tous, et bon vent!

Semaine du 26 février au 4 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 5 au 11 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

L'étoffe des héros...

Parmi vous, certains privilégiés savent peut-être déjà que Dieu est américain. Au cas où cela vous aurait échappé, je viens vous apprendre que les Etats-Unis d'Amérique sont également la patrie exclusive des héros.

Bien sûr, quand vous passez votre temps dans les réserves naturelles, en compagnie de rangers et autres observateurs de la nature, cela peut vous échapper un moment. Ou, pour mieux dire, vous pouvez y échapper... Mais, que l'idée vous vienne de visiter un musée près de Cap Canaveral, et ce fait de la plus haute importance vient frapper vos yeux et vos oreilles, et vous ne pouvez plus en douter. En réalité, toute l'histoire du monde, depuis l'Ancien Testament (dont la valeur historique n'est plus à démontrer), est tendue d'un droit fil, à travers les siècles de ténèbres, dans la confusion vieillotte des vieux continents, vers un but qui est la perfection même: la civilisation américaine! Celle qui allie les plus grandes prouesses technologiques et la sacro-sainte liberté individuelle! Alléluia!

Non, non, n'appelez pas tout de suite les infirmiers, et laissez-moi vous expliquer. Par exemple, les astronautes américains, vous savez, ceux qui ont marché sur la lune "venant en paix au nom de toute l'humanité", tout en plantant un drapeau américain sur notre gros satellite doré, eh bien, ils n'étaient pas seulement "des explorateurs de l'inconnu, les dignes successeurs de ceux qui ont regardé au delà de l'horizon, plein de confiance en eux, en Dieu et en l'avenir, et fondé ce nouveau monde"... Ils étaient, ouvrez bien vos yeux et vos oreilles, "les preux chevaliers de la guerre froide, dans leurs armures étincelantes, portant haut les couleurs du mode de vie américain!" . Si vous croyez que je deviens folle, je ne fais que traduire une des informations scientifiques de la première importance que l'on peut découvrir en visitant un Musée situé à côté du Kennedy Space Center, et qui porte le nom bien mérité de "Astronaut Hall of Fame".

Les américains ont beaucoup de chance, ils sont le peuple élu de Dieu. Dieu les assiste dans leur vie de tous les jours comme dans leurs plus grandes réalisations. Sur chaque billet de banque, on peut lire l'inscription suivante: "In God we trust." Quand le nouveau Président des Etats-Unis prête serment, il termine par "So help me God". Et depuis que je suis ici, il n'est pas du tout rare que les gens avec qui je bavarde un moment me disent au revoir avec un chaleureux "God bless you!". Cette foi irrépressible transforme même leurs échecs les plus cuisants et leurs tragédies les plus horribles en bénédictions! Ainsi, devant les panneaux qui expliquent le drame d'Appollo 1 (lors de la dernière répétition du compte-à-rebours, un court-circuit dans le module de commande, dans une atmosphère composée à 100% d'oxygène, a embrasé l'habitacle et les astronautes sont morts grillés vifs...), une maman expliquait à son enfant: "Ils sont morts très vite, grâce à Dieu, ça a vraiment été une bénédiction de Dieu." Excusez-moi si je craque un peu, mais, plus con que ça tu meurs!!!

Que peut-on apprendre aussi en visitant ce musée? Que les Soviétiques n'étaient vraiment bons à rien, que leur mission non habitée n'a pu récolter en 11 mois sur la lune que des clopinettes en matière d'information scientifique, comparée aux missions américaines...

Enfin bref... Les Américains ont l'air d'avoir terriblement besoin de héros. Pour nous qui fréquentons assidûment les Wal-Mart, nous ne pouvons qu'être émus chaque fois que nous passons près des toilettes des employés. C'est là en effet que l'on peut habituellement voir le petit coin de mur réservé à la photographie de Sam Walton, et à de petits cadres entourant les pensées profondes de ce prodigieux philosophe. Je cite:

"Nous pensons que nous avons, en Amérique, de bons produits que nous pouvons proposer à un bon prix aux consommateurs américains."

" La force de Wal-Mart, ce sont ses associés (traduisez employés)".

Comment, vous n'avez jamais entendu parler de Sam Walton, le fondateur des Wal-Mart? Mais c'est un héros national!

Par ailleurs, on pourrait croire que les Américains, entourés sur des milliers de kilomètres (pardon, de miles!) par d'autres Américains, parlant la même langue, mangeant les mêmes hamburgers, faisant leurs courses dans les mêmes Wal-Marts, se sentiraient en sécurité et ne ressentiraient pas le besoin de défendre leur pays contre les envahisseurs. Pourquoi donc voit-on partout d'immenses drapeaux américains, dressés vers le ciel comme l'affirmation désespérée d'une identité que personne ne menace?

Toute à mes interrogations sans fin sur l'âme américaine, j'en oublie de vous dire que les environs de Cap Canaveral sont merveilleusement sauvages. De nombreux oiseaux, certains visibles seulement dans cette région de la Floride, fréquentent la réserve de l'Ile Merritt, et dans l'Indian River ça grouille de lamantins et de dauphins. Je laisse les enfants vous parler de ces merveilles. je suis tellement bavarde que mon logiciel habituel refuse de gérer ma page Internet, je suis obligée de ruser!

Allez, je vous laisse, et ... Dieu vous bénisse!

Semaine du 5 au 11 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 12 au 18 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Escale à Cedar Key

Ce n'est pas que l'on s'ennuie en Floride, mais tout à coup je me suis rendue compte qu'on arrivait à la mi-mars et qu'on était toujours ici, alors que j'avais concocté dans ma petite tête un programme démentiel. Réfléchissez avec moi: La Floride, un Etat, deux mois. Les USA, 50 Etats, 50 fois 2 égale 100 mois, soit un peu plus de 8 ans? Non, ce n'est pas sérieux, il faut sortir de là!

Et pourtant... On a beau entendre dire qu'en été, il fait trop chaud, et qu'il pleut sans arrêt, et qu'on est dévoré par les moustiques, j'ai un peu de mal à le croire... J'aurais bien laissé toutes ces calamités, auprès desquelles les 7 plaies d'Egypte ressemblent à de petites contrariétés, me bouter elles-mêmes hors de ce beau pays. Mais il faut aussi qu'Emmanuel quitte le territoire des USA avant le 21 avril 2001, car le visa touristique ne dure que 3 mois. Or, pour sortir du territoire américain, vous n'avez pas beaucoup de possibilités: c'est le Mexique, ou le Canada. Le Canada, merci, on en vient, la neige n'a sûrement pas fini de fondre, et puis remonter tout là-haut sans visiter tous les Etats de la côte Est, non merci. Reste le Mexique. Il faut donc se rendre jusqu'à la frontière mexicaine, la passer, et puis revenir, en espérant que les douaniers accepteront, malgré sa tête de bandit mexicain, de laisser Emmanuel rentrer aux USA.

Mais avez-vous idée de la dimension de ce pays-ci? Savez-vous combien de milliers de km s'étendent dans toutes les directions? Se rendre à la frontière mexicaine, en partant de la Floride, ce n'est pas aussi rapide qu'on pourrait le croire lorsqu'on regarde la carte de loin. On a pu le constater lorsqu'on a rallié Québec à la Floride... Enfin, j'arrête là, après tout, ce n'est pas votre problème.

Nous avons donc entrepris une lente migration vers le Nord et vers l'Ouest. Lente car les enfants doivent travailler plusieurs heures chaque jour, et aussi parce qu'on veut jeter un oeil en passant sur les endroits traversés. Et aussi, il faut bien le dire, parce que Nicolas a oublié à la bibliothèque de Titusville sa trousse, et qu'on attend de la recevoir en poste restante, ici, à Cedar Key. Mais, à quelque chose malheur est bon: puisqu'il faut attendre, on n'est pas mal lotis puisqu'on le fait dans une petite ville pour laquelle j'ai eu une sorte de coup de foudre. Cedar Key, une petite ville de 700 habitants sise sur une petite île baignant dans les eaux du Golfe du Mexique.

Cet îlot là est un peu trop au Nord pour attirer les touristes, et puis, la Floride fait un bon millier de km de long, aussi toutes ses côtes ne peuvent pas être saturées de vacanciers... Il y a quand même un peu d'animation, une petite dizaine de bars et de restaurants

autant de boutiques à souvenirs, un bureau de poste, une bibliothèque, deux ou trois "dépanneurs" (petites épiceries ouvertes tard le soir),

une station d'essence, une école, une marina, quelques jetées, une plage... Pendant les deux premiers jours, on a eu droit à une petite tempête, aussi ça ne se bousculait pas sur les quais. Le temps s'améliorant, le week-end est un peu plus animé.

Il y a quelque chose de vraiment spécial à Cedar Key: quelques artistes ont choisi de venir s'installer ici. Aussi peut-on ajouter à la liste des animations ci-dessus quelques boutiques d'art et d'artisanat.

Evidemment, comme toujours quand il s'agit d'art, il y en a pour tous les goûts, et je ne battrais pas toujours pour accrocher certains tableaux dans mon salon, mais cela crée une ambiance vraiment sympathique, et certaines oeuvres sont à la fois originales et jolies.

Et puis, nous avons eu la chance d'assister, sur la petite plage de Cedar Key, à un spectacle plutôt rare: des centaines de limules venues pondre sur la plage. A part l'une de ces créatures aperçue une fraction de seconde dans le "Canaveral National Seashore", sur la côte atlantique deux jours plus tôt, je n'avais jamais aperçu ces animaux étranges que dans des aquariums. Ces vénérables animaux existaient déjà sur notre belle planète à l'ère primaire, si je ne m'abuse. Elles ont survécu aux grandes catastrophes qui, à plusieurs reprises, ont éliminé une proportion non négligeable d'êtres vivants. Apparentées aux scorpions et aux araignées, les limules ("Horseshoe crabs" en anglais) ont un aspect vraiment étrange, archaïque... Pouvoir les observer de si près, en si grand nombre, et dans un comportement si intime... quelle chance pour les naturalistes passionnés que nous sommes!

Eh bien voilà. Il y aurait bien des choses à raconter encore, mais je suis tellement bavarde que je suis en droit de me demander: y a-t-il encore quelqu'un qui ait le courage de lire ma page jusqu'au bout? Je laisse de côté toute une part pourtant digne d'intérêt dans notre voyage, celle occupée par les douches bouchées, les fenêtres qui fuient, les frigos qui chauffent au lieu de refroidir... Toutes ces petites choses qui pimentent la vie de tous les voyageurs... Même comme ça, il reste des centaines de choses amusantes, de faits intéressants, d'anecdotes variées, que je n'ai pas le temps d'évoquer... La vie ne se résume pas à une page Internet. Et c'est sur cette réflexion, dont la portée philosophique ne vous a pas échappé, que je vais clore ma page cette semaine.

Semaine du 12 au 18 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 19 au 25 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Tallahassee? C'est où ça?

Nous avons passé la plus grande partie de la semaine à Tallahassee, capitale de l'Etat de Floride. Cette ville n'est pas à proprement parler une étape touristique habituelle, sa localisation tout au Nord de la Floride ne la gratifie que d'un climat de type méditerranéen, avec des étés très chauds et des hivers doux. Elle n'est même pas au bord de la mer... Que diable aller faire Tallahassee?

Disons d'abord que la région de Tallahassee est la seule de toute la Floride qui soit un peu vallonnée. Agréable changement après deux mois passés dans le fond d'une assiette... De plus, la ville possède des arbres magnifiques, vraiment spectaculaires, et quelques musées très intéressants.

C'était aussi l'occasion, en visitant le "State Capitol", d'expliquer un peu aux enfants que la Floride est un Etat, ce qui signifie qu'elle a un gouvernement, un parlement (House of Representatives), un Sénat (Senate), et qu'elle peut édicter des lois qui lui sont propres, à l'instar des 49 autres Etats des Etats-Unis.



Le Musée d'Histoire de la Floride nous a permis un vaste tour d'horizon, depuis les premiers habitants, qui chassaient le Mastodonte, le Tatou et le Paresseux géants, entre 12000 et 9500 ans avant JC, jusqu'à l'époque actuelle, en passant par le temps de la colonisation espagnole, la guerre de sécession, etc. Pour un pays qui a une Histoire si courte (même sur le plan géologique la Floride est toute jeune), on a pu envisager de la faire tenir tout entière dans un seul Musée, bien que cela fasse un ensemble malgré tout assez imposant!

Une section du Musée était consacré au développement économique de la Floride, selon deux axes principaux: la culture des oranges (l'essentiel de la production est actuellement transformé en jus concentré, moins lourd à transporter), et le tourisme. J'ai cru comprendre que, pour ainsi dire, le camping-car est né ici en Floride, où les premiers "tin can tourists" utilisaient des Ford-T adaptées pour leur fournir l'équivalent d'une petite maison mobile. Le lit, une fois déployé, s'appuyait en avant sur le capot et obstruait complètement la vue, il n'était donc pas question de conduire avec le lit ouvert...

Nous avons aussi visité la Mission San Luis, en voie de reconstitution sur le site même où elle s'élevait, dans la deuxième moitié du 17ème siècle. Viviane en parle fort bien, je ne m'étendrai pas dessus.

A part ça, depuis que nous avons amorcé notre remontée vers le Nord, nous ne sommes pas gâtés par le temps. Pluies, vent, températures fraîches... Nous courbons le dos en attendant que ça passe, mais il est bien dur de dire au revoir à l'été!

Mais, je me suis laissé dire que vous aviez eu votre part, là-bas, dans la lointaine France. Aussi je ne vais pas essayer de vous apitoyer sur notre sort.

A la prochaine!

Semaine du 19 au 25 mars 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc



Semaine du 26 mars au 1er avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Do you know what it means...
to miss New Orleans?

Cette semaine, changement d'horizon! Nous voilà à New Orleans, la Nouvelle Orléans, berceau du Jazz et autrefois fleuron de l'Amérique française... Ceux qui aiment le Jazz, le Blues... pourront comprendre que j'aie dans le coeur un petit battement spécial depuis que je suis arrivée ici. Un mélange de jubilation et de crainte... Quand on vient pour la première fois sur le bord du Mississippi, et à la Nouvelle-Orléans qui plus est, on transporte avec soi tant d'images déjà qu'à l'approche de cet endroit mythique on devient forcément impatient et nerveux.

Je suppose que selon la direction d'où l'on arrive les abords de New Orleans peuvent être très différents. Nous, on est arrivé du côté des raffineries de pétrole et des dépôts d'ordure.

Finalement, ce n'est pas plus mal. Car cette ville est justement née dans un endroit improbable: le delta d'un fleuve dont les divagations pouvaient à tout moment inonder, ruiner, détruire, un endroit tellement marécageux que les tombes devaient être installées dans des caveaux au-dessus du sol... Une terre infestée de maringouins (moustiques), où se trouvèrent réunis par des vagues d'immigration successives, volontaires ou imposés, des miséreux de toutes origines, chassés par la famine, par des occupants, ou emmenés de force à fond de cale pour servir d'esclaves... Français, Espagnols (essentiellement des Iles Canaries), Acadiens chassés de Nouvelle-Ecosse par les Britanniques, Africains, et enfin Américains... Tous ces gens, en se mêlant les uns aux autres, ont créé une ville qui ne ressemble à aucune autre, et qui a donné au monde rien de moins qu'une nouvelle musique, une musique qui a inspiré toutes les autres au cours du XXème siècle.. Alors, trouver tout autour et dans New Orleans des rues défoncées, des maisons décrépites et d'autres signes d'une misère qui crève les yeux, comment cela pourrait-il nous étonner?

Il n'en reste pas moins que la musique est toujours vivante dans les rues de la ville, et que cette musique est si joyeuse qu'elle semble donner à tout et à tous de jolies couleurs... Si vous venez à New Orleans par les routes du tourisme international, vous ne verrez que les coins à touristes. Nous voyageons autrement, alors nous voyons aussi l'envers du décor. Et c'est tant mieux.

Par où commencer? New Orleans est confortablement lovée dans un méandre du Mississippi, et à peu de choses près partagée en deux quartiers bien différents, séparés par Canal Street, qui s'étire perpendiculairement au cours du fleuve. Lorsqu'on arrive par le Sud, on aperçoit à gauche, vers l'Ouest, le Downtown, moderne, hérissé de buildings abondamment illuminés la nuit,


et à droite, vers l'Est, le "French Quarter", encore appelé "Vieux Carré" (en français dans le texte), formé de vieilles maisons datant en fait de l'époque espagnole. Un double pont traverse le Mississippi en face de DownTown, mais il est beaucoup plus amusant d'arriver par la traverse qui relie la pointe d'Algiers, sur la rive Sud, au tout début de Canal Street.(le Mississippi a globalement un cours orienté Nord-Sud, mais il se tortille comme en gros serpent le long de son trajet, et en face de New Orleans il est orienté Ouest-Est).

Ce que tout le monde vient voir ici, c'est le Vieux Carré. Et on peut comprendre ça. Les maisons de cette partie de la ville datent pour la plupart de l'époque où la Louisiane appartenait à l'Espagne. Elles sont caractérisées par des balcons en fer forgé qui occupent tout l'avant de la façade, ménageant en dessous d'eux une sorte de passage couvert.

Ces balcons sont généralement couverts de plantes et de fleurs, le tout contrastant joliment sur la couleur rouge foncé des murs... D'autres types de bâtiments existent aussi, certains rappelant d'avantage certains quartiers de Paris, mais ces maisons sont vraiment ce qu'il y a de plus remarquable ici.

Bien sûr, on y trouve ce qu'on trouve dans tous les lieux touristiques: magasins à souvenirs (made in China), restaurants, cafés, tours de calèche, avec, sur Bourbon street, l'équivalent d'un petit Pigalle (cabarets plus ou moins recommandables et interdits aux mineurs...)

Mais, au coin des rues, les musiciens qui jouent ne jouent pas n'importe quoi...

Sur le Mississippi passent et repassent des dizaines d'énormes bateaux, nous rappelant que ce fleuve reste une voie commerciale de première importance. Au milieu de ce trafic, quelques bateaux attirent un peu plus l'attention. Le Steamboat Natchez, dernier bateau à vapeur et à roue du Mississippi, le Créole Queen, bateau à roue aussi, et le Cajun Queen, sans roue mais au style résolument Louisianais...

Rajoutez à tout ceci un ciel parfaitement bleu et un soleil radieux, et vous avez les ingrédients pour une découverte vraiment sympa de New Orleans.

Jetez un coup d'oeil aux images de la rubrique des reportages photo, elles parlent d'elles-mêmes... Et pour une fois je vais leur laisser la parole.

Semaine du 26 mars au 1er avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 2 au 8 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Bâton Rouge
et les premiers "cajuns"

Nous avons quitté New Orleans pour Bâton Rouge, la capitale de la Louisiane. Une ville beaucoup plus calme et à dimension plus humaine, pour nous qui sommes peu habitués aux grandes concentrations de population. Cette ville est même si calme, dans son "downtown", qu'on se demande parfois si elle est habitée. On doit être en dehors de la session parlementaire... Nous n'avons pas visité le "State Capitol", cette fois, mais seulement admiré son côté "art déco" assez original pour ce côté-ci de l'Atlantique.

Bâton Rouge tire son nom d'un grand poteau couvert de carcasses ensanglantées destinées à marquer la limite entre les territoires de chasse de deux tribus indiennes, lors de l'arrivée des premiers colons francophones.

Ce que j'ai apprécié le plus, c'est l'omniprésence de grands Cyprès chauves, des arbres magnifiques qui aiment pousser les pieds dans l'eau, et perdent leurs feuilles en hiver. On avait pu en admirer aux Everglades, et particulièrement dans la réserve de Big Cypress, juste au Nord des Everglades. Même sans feuilles ils étaient beaux, avec leur écorce gris pâle, leurs troncs élargis à la base se mirant dans l'eau calme des marécages. Maintenant qu'ils ont des feuilles, qui ressemblent à de petits peignes vert tendre, ils sont encore plus beaux. Ils peuvent atteindre des dimensions remarquables. C'est l'arbre roi à Bâton Rouge, on en voit partout.

A Bâton Rouge, nous avons visité le "Rural Life Museum", qui retrace la vie des premiers colons, et offre une reconstitution d'une plantation du XIXème siècle. L'occasion d'aborder avec les enfants le douloureux sujet de l'esclavage...

La Louisiane est assez fière d'avoir été le seul Etat du Sud à reconnaître, d'une certaine façon, des droits aux esclaves. En effet, en 1724, le Gouverneur de la Louisiane (française à l'époque), Monsieur de Bienville, édictait le Code Noir, qui recensait les obligations des maîtres vis-à-vis de leurs esclaves. Ainsi, il était précisé que les esclaves devaient être correctement vêtus et nourris, soignés lorsqu'ils étaient malades ou trop vieux pour travailler. Il était interdit de les torturer. Certes, on est content de l'apprendre. N'empêche que lorsqu'on lit que ce Code ne permettait pas de séparer de leur mère les enfants... de moins de 10 ans, on mesure très bien les limites de ces "droits"... Viviane va avoir 10 ans en mai. Frissons d'horreur...

D'ailleurs, quand on parcourt les documents de l'exposition, on y lit les descriptions accompagnant les ventes d'esclaves. Et au détour d'une telle "publicité", on peut constater qu'on propose à la vente un femme et ses 4 enfants, mais que le nouvel acheteur peut ne prendre que deux des enfants si "cela l'arrange mieux". Or, sur les deux aînés, l'un a seulement 7 ans. Ecart entre la loi et la pratique...

La plantation reconstituée consiste en bâtiments déplacés lors de la fermeture d'une plantation du voisinage, qui a fonctionné avec des travailleurs noirs jusque dans les années soixante. Les cabanes des esclaves d'avant la guerre de Sécession ont continué à accueillir les "travailleurs libres" d'après la libération, dans des conditions matérielles à peine améliorées. Quand on y pense, la fin de l'esclavage est encore tellement récente! La mère de ma grand-mère serait née esclave... On comprend mieux pourquoi, sur le campus de l'Université de Louisiane, on ne voit guère de noirs parmi les étudiants. Les seuls que j'ai vus tondaient les pelouses et ramassaient les feuilles mortes... It's a long way to go...

Heureusement, il n'y avait pas, au Rural Life Museum, que des souvenirs du temps de l'esclavage. Une autre partie du Musée montrait les différents types d'habitations des colons de Louisiane, en fonction de leur origine.

Dans la maison acadienne, on a pu engager la conversation avec une femme et un homme, tous les deux acadiens. Je me souvenais que mon père, qui était acadien (du Nouveau-Brunswick), avait été très ému et surpris de rencontrer en Louisiane, en 1954, une femme qui non seulement parlait français, mais encore ne parlait pas du tout l'anglais. Mais cinquante ans ont passé, et jusqu'à présent, mes espoirs de rencontrer des acadiens parlant encore français avaient été déçus... C'est un peu comme l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours... Mais enfin, cette fois-ci était la bonne. Et c'est en français que l'homme (Donald Begnaud) a engagé la conversation avec Emmanuel... bien content je pense de pouvoir enfin discuter avec quelqu'un, lui qui ne comprend l'anglais qu'avec la plus extrême difficulté.

Donald et Gayle, sa femme, m'ont dit qu'ils connaissaient des gens qui parlent français et qui ont des enfants de l'âge des nôtres... Nous espérons pouvoir les rencontrer lorsque nous visiterons Lafayette, un peu moins de 100km à l'Ouest de Bâton Rouge.

Mais que font donc ces Acadiens en Louisiane? Et d'abord, c'est quoi, un Acadien? Pour ceux qui lisent notre site en France, il y a là peut-être un mystère.

C'est une longue histoire, aussi je n'en dirai que l'essentiel. L'Acadie était le nom de l'actuelle Nouvelle-Ecosse, et de quelques terres alentour. Les premiers Acadiens sont venus de France avant même les actuels Québécois, puisqu'ils ont commencé à s'installer dans le nouveau monde dès 1604, soit 4 ans avant que Samuel de Champlain ne fonde Québec. En 1713, l'Acadie passa sous contrôle britannique, et en 1755, craignant que les Acadiens ne se révoltent, et peu soucieux de se battre sur deux fronts (les Anglais se battaient pour conquérir Québec), les Britanniques entreprirent de vider l'Acadie de ses Acadiens... Ce qui est resté dans leur mémoire collective comme "le Grand Dérangement". Je n'en dirai pas plus, car je n'en sais guère plus. Une partie des Acadiens contraints à l'exil se sont installés en Louisiane, essentiellement dans la région des "bayous". Eux se disent encore "Acadiens" ou "Cadiens", les Américains les appellent "Cajuns". Ils sont arrivés ici, d'un pays de neige, dans un pays au climat humide et chaud, ils ont emporté avec eux la langue française, la religion catholique et leur musique... et y ont ajouté des mots et des idées venues d'autres cultures. Ainsi, le plat cajun le plus connu est le Gumbo, une sorte de soupe épaissie avec de l'okra, un légume africain... Autant dire qu'il est inutile d'essayer de résumer la culture cajun en quelques mots. Je suis pour ainsi dire à l'orée d'un monde dont je ne soupçonnais pas la complexité, mais, curieuse comme je suis, ça me met l'eau à la bouche (et pas seulement pour leur cuisine...)

Le seul bémol, c'est la chaleur humide et étouffante qui nous accompagne depuis notre arrivée à Bâton Rouge. Mais, pour les gens d'ici, il ne fait pas chaud (hot), il fait "tiède" (warm). "Revenez cet été, et vous verrez ce que c'est que la chaleur!" s'entend-on dire... Mais de cela il ne saurait être question! On a déjà du mal à supporter le temps "tiède", alors on ne viendra pas goûter aux temps "vraiment chauds".

Semaine du 2 au 8 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 9 au 15 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Lafayette, nous voici!

Nous avons passé la semaine à Lafayette, qui s'affiche comme "le coeur de la Louisiane Française". Et, contrairement à ce que je craignais, ce n'étaient pas seulement des vains mots.

Bien sûr, je n'ai encore rencontré personne de ma génération (ou plus jeune) qui parle encore Français, sauf ceux qui l'ont appris à l'école. Mais que des gens ici au coeur de l'Amérique anglophone trouvent un intérêt à apprendre le Français est assez révélateur d'un Etat d'esprit bien particulier.

Ici, à Lafayette, j'ai pu en apprendre plus sur l'histoire des Cajuns de Louisiane. D'abord, sur l'euphémisme que constitue cette appellation de "Grand Dérangement" qu'ils ont donnée eux-mêmes à leur déportation violente: on estime à environ la moitié la proportion d'Acadiens qui sont morts suite à leur déportation. Si peu d'entre eux ont été tués directement (quelques uns cependant, qui ont tenté de résister et de demeurer en Acadie, ont été massacrés), un bon tiers d'entre eux n'ont pas survécu au trajet à fond de cale, sans nourriture, sans eau, sans air... jusqu'aux divers lieux de la côte atlantique où les Anglais avaient projeté de les disperser. Certaines des Colonies (on est en 1755, bien avant la guerre d'indépendance et la création des Etats Unis d'Amérique) ont purement et simplement refusé le débarquement des Acadiens, qui sont tous morts à bord de leur navire-prison. D'autres les ont emprisonnés. Dans la quasi totalité des cas, ils ont été au mieux tolérés et ont vécu dans l'indigence la plus complète pendant une dizaine d'années...

En 1765, le Gouverneur de la Louisiane, alors espagnole, décide d'accueillir les survivants et leur offre même des terres et du matériel agricole pour commencer une nouvelle vie. Je ne sais pas vraiment comment la nouvelle se répandit, mais toujours est-il que les Acadiens, dispersés en Amérique du Nord et même, pour certains, jusqu'en France, affluèrent dans leur nouvelle patrie. Peu importe que les motivations de l'Espagne n'aient pas été seulement humanitaires (Les Acadiens étaient catholiques, de langue latine... L'Espagne avait besoin de peupler sa colonie avec de tels sujets pour contrebalancer l'influence anglo-saxonne et protestante). Les Acadiens se sont adaptés à leur nouvel environnement, ils sont devenus "Cadiens", ou encore "Cadjins". Ils ont vécu dans un grand isolement au milieu des bayous, ou un peu plus au Nord, dans les prairies de Louisiane, constituant le deuxième groupe francophone en Amérique du Nord. 150 ans plus tard, à la fin du XIXème siècle, beaucoup d'entre eux ne parlaient même pas l'Anglais. Pourtant, au début du XIXème siècle, la Louisiane, rendue à la France, avait été vendue aux Etats-Unis par Napoléon Bonaparte. (Le traître!)

C'est au début du XXème siècle que le vent a tourné encore une fois pour les Cadiens de Louisiane. En 1916, "l'heure de la honte" a sonné pour les "Cajuns". Sous prétexte que leur Français était "abâtardi", et qu'il gênait l'intégration des Cadiens dans l'Amérique Anglophone, on a interdit l'usage du Français jusque dans les cours de récréation. Les coupables devaient copier 100 fois (ou plus) "I will not speak French on the schoolgrounds". Cela rappellera à certains le fameux "défense de cracher par terre et de parler Breton" que l'école de Jules Ferry a fait subir aux petits Bretons.

Il est vrai que ce que les Britanniques n'ont pas réussi à faire par la violence, les Américains l'ont réussi par une violence plus rentrée, affichant leur bonne conscience en toute impunité... Maintenant, la Louisiane est "fière de son passé français".

Maintenant, oui.

Maintenant que seuls les vieux, les anciens, parlent encore cette langue.

Maintenant qu'il est trop tard.

Maintenant que les jeunes qui ont grandi ici ne sont plus des Cadiens, mais des Cajuns, à la recherche d'une identité perdue à jamais.

Un passé français, ça fait bien sur un dépliant touristique. Un présent français, c'était peut-être trop demander.

On m'a dit qu'il y avait en Louisiane des écoles francophones, basées sur le principe de l'immersion: des parents de ma génération, ou plus jeunes, qui ne gardent du français que le souvenir de l'avoir entendu parler à la maison par leurs grands-parents, y inscrivent leurs enfants dans l'espoir de raccrocher ensemble le passé et l'avenir, par-dessus leur génération perdue. On parle enfin Français à l'école, mais les instituteurs et institutrices viennent de France ou du Québec. Ce ne sera plus jamais pareil.

Si un jour mes enfants reviennent en Louisiane avec leurs propres enfants, ils ne rencontreront probablement plus personne qui parle Français à la manière cadienne. Cette pensée me rend triste malgré moi, alors que rien chez les Cadiens ne prête à la tristesse.

Nous avons beaucoup fréquenté la Bibliothèque de Lafayette, où les enfants ont pu faire leur travail scolaire, et se détendre en fin de journée en parcourant les nombreux livres en Français qu'elle recèle. Les gens ici sont heureux d'accueillir des "cousins" francophones, des gens des "vieux pays". Parfois, on a le plaisir de se faire adresser la parole en français, par des gens âgés le plus souvent, mais même parfois par des jeunes qui l'ont appris à l'école et sont fiers de le montrer. Cependant, même pour les gens qui l'ont appris "avant d'apprendre l'anglais", on sent que c'est parfois bien difficile pour eux de retrouver les mots. Ils peinent à dire leur pensée, et au bout d'un moment, ils reviennent à l'anglais.

N'empêche, je me sens un peu chez moi en Louisiane. Elle gardera toujours une place spéciale dans mon coeur.

Semaine du 9 au 15 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 16 au 22 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Is everything bigger in Texas?

Cette semaine, nous avons entrepris de traverser le plus grand des Etats, le TEXAS. Originellement, on devait juste traverser, aller au Mexique, retourner en Louisiane. Mais rapidement il nous est apparu évident qu'il valait mieux prendre un peu de temps pour visiter, pendant qu'on y était, au lieu de gaspiller l'essence (dont le prix ne cesse d'augmenter) en polluant l'atmosphère pour rien.

Je dois avouer dès le départ que j'avais une certaine appréhension en entrant dans cet Etat qui même pour les Américains eux-mêmes est parfois considéré comme un repaire de cow-boys mal dégrossis et primaires.

En réalité, tout ce que le Texas évoquait pour moi, outre les cow-boys, ce sont les dizaines de lettres que j'ai écrite, avec Amnesty International, pour demander la grâce d'un des innombrables condamnés à mort, souvent débiles mentaux (mais parfaitement responsables de leurs actes?), ou alors noirs (un Noir qui tue un Blanc est bon pour la chaise électrique; Un Blanc qui tue un Noir peut parfois, cela s'est vu, être purement et simplement acquitté. A se demander si le bandeau qui couvre les yeux de la JUSTICE n'est pas un peu troué). Ces lettres sont restées sans réponse et sans aucun effet. Elles étaient adressées à un certain George W. Bush Jr., alors Gouverneur du Texas.

Bon, oublions tous ces préjugés pour tâcher de découvrir ce que nous réserve le Texas... La première surprise, c'est la variété des paysages naturels qu'on peut voir au Texas. Il se trouve que le Texas se situe juste à la limite de grandes zones écologiques de l'Amérique du Nord, aussi ne trouve-t-on pas moins de 7 types d'écosystèmes complètement différents, caractérisés par leurs climats et leur faunes et flores spécifiques.

Arrivant de Louisiane, on traverse d'abord une zone de bayous et de marécages, avec de Grands Cyprès Chauves et des Chênes majestueux drapés de mousse espagnole. Le tout, comme en Louisiane, ponctué de raffineries et autres usines chimiques. Mais on s'y fait. La nuit, lorsque les cheminées et les antennes sont brillamment éclairées, il m'arrive même de les trouver jolies, ces usines.

Et puis, assez rapidement, les marais cèdent la place à de grandes prairies verdoyantes et couvertes de tapis de fleurs multicolores. On a quitté le royaume des alligators et des échassiers pour entrer dans le monde de la Petite maison dans la Prairie...

J'avoue avoir été complètement éblouie par les fleurs sauvages du Texas. Je n'avais jamais vu une telle profusion de fleurs aussi brillamment colorées. La star d'entre les stars est une fleur bleue baptisée "Bluebonnet", c'est la fleur symbole de l'Etat. Botaniquement, c'est un lupin, Lupinus texensis. Si vous êtes surpris que le symbole du Texas soit une fleur bleue, eh bien tant mieux! Car la vie serait bien plate sans ce genre de surprise...

Les Texans sont fiers, à juste titre, de leurs fleurs. A tel point que le "Department of Transportation" a comme politique de semer abondamment des fleurs sauvages sur le bord des routes, ce qui évidemment peut expliquer leur profusion... Cependant, même si ces fleurs ont été un peu "aidées", elles n'en demeurent pas moins l'un des spectacles les plus enchanteurs que j'aie vu jusqu'à présent. Surtout quand vous y rajoutez les centaines de papillons qui volettent de ci de là. Le printemps dans le Centre du Texas est vraiment "gorgeous" (j'ai du mal à trouver l'équivalent en Français, je commence à avoir besoin d'un petit stage linguistique...).

Nous avons fait un petit crochet par Austin, capitale du Texas, où nous avons visité, pour changer, le State Capitol. Il y régnait une activité fébrile, car nous étions en pleine session parlementaire, et, outre les Représentants et Sénateurs escortés de leur personnel, les couloirs étaient arpentés en tous sens par des groupes scolaires, des touristes... On a même croisé une large délégation d'immigrés mexicains venus manifester pour défendre leurs droits à l'éducation et à la citoyenneté.

Le State Capitol est un immense bâtiment copié sur le Capitol de Washington, à la différence près qu'il a été réalisé en solide et rustique granite rose du Texas, le calcaire fin et délicat ne poussant pas dans ces contrées sauvages. Moyennant quoi ils ont dû réviser à la baisse les bas-reliefs et autres enjolivures dont ils avaient prévu de l'agrémenter.

Nous avons visité aussi un Musée d'Histoire du Texas, fort intéressant, où j'ai appris ce que je vous ai dit tantôt à propos des 7 provinces écologiques. Ce musée regorgeait de fossiles de toutes sortes, des roches et minéraux, d'animaux empaillés, et ... de fusils variés. On est au Texas, non?

Une chose est sûre, les Texans sont sûrs d'habiter l'endroit le plus beau, le plus intéressant, le plus parfait des USA, étant entendu que les USA eux-mêmes sont l'endroit le plus beau, le plus intéressant, le plus parfait du monde. Ils sont particulièrement fiers de la taille de leur maxi-Etat, deuxième au palmarès après l'Alaska. Personnellement, je n'y vois pas de quoi se vanter, tout dépend de l'endroit où on a placé les frontières, ce qui est ma foi plutôt arbitraire. Mais je dois avoir mauvais esprit. Apprenant que nous étions aux USA depuis 3 mois, et que nous avions passé deux mois en Floride, un Représentant nous a informés que nous allions alors passer les trois prochains mois au Texas. Pour lui, c'était une évidence.

Après Austin, nous sommes passés à San Antonio, ville plus touristique qu'Austin. On y trouve l'Alamo. Et ne dites pas à un Texan que vous n'avez jamais entendu parler de l'Alamo, d'abord il ne vous croirait pas, ensuite cela risquerait d'ouvrir pour lui une sorte d'abîme insupportable par lequel il pourrait entrevoir que les fondements mêmes de son existence ne sont pas aussi solides qu'il l'a toujours cru.

L'Alamo, c'est un des hauts lieux de la culture américaine, l'un des endroits où s'incarne leur mythe fondateur. Ici, une poignée de Texans, en révolte contre le Mexique et en lutte pour leur indépendance, sont morts, massacrés jusqu'au dernier par 4000 soldats mexicains. Il faut dire que le Texas, alors, était mexicain. Que les Américains, inspirés par Stephen Austin, "père du Texas", ont afflué en nombre dans cet Etat mexicain pour s'y installer, jusqu'à ce qu'ils soient beaucoup plus nombreux que les Mexicains. Après quoi ils ont fait leur guerre d'indépendance. Je me demande si c'est bien moral. Imaginez que les Mexicains fassent la même chose, maintenant, au Texas. Ils viennent en nombre. Ils deviennent plus nombreux que les Américains. Puis ils déclarent qu'ils veulent sortir de l'Union et, éventuellement, rejoindre les Etats-Unis du Mexique. Je pense que les Américains ne trouveraient rien de "grandiose" ni d'"inspirant" là-dedans. Mais, bon, si ce sont des Américains qui le font, ce n'est pas pareil. Quelqu'un a suggéré comme devise pour le Texas: "Nous avons choisi cette terre, nous l'avons prise, nous lui avons fait porter des fruits..." Tout un programme!

Donc, le Texas a gagné son indépendance contre le Mexique, puis, étant devenu un Etat indépendant, il a rejoint les Etats-Unis d'Amérique. Si je ne me trompe pas, peu de temps après il est sorti de l'Union pour faire bloc avec les Sudistes. A croire qu'ils ne peuvent pas vivre sans se battre.

L'Alamo était une mission espagnole, avant d'être transformé en camps retranché, d'abord par les Espagnols, puis par les Américains. Honteusement lâchés par les autres Texans, les "mutins" de l'Alamo ont déclaré qu'ils ne se rendraient jamais et qu'ils se battraient jusqu'au dernier. Et ils l'ont fait.

Le Général Santa-Anna (Un affreux dictateur, un tyran comparable à, tenez, Saddam Hussein par exemple), avait déclaré que ces hommes n'étaient que des renégats, et qu'il n'y aurait pas de quartier: pas de prisonniers, et pas de sépulture pour les morts. Il faut dire que lorsque les troupes mexicaines avaient tenté de récupérer un canon kidnappé par les révoltés, ses émissaires s'étaient vus répondre "venez le chercher", avant de se faire tirer dessus à bout portant par ledit canon. Subtils, les Texans!

C'est sûr, j'ai mauvais esprit. Ces histoires de coups de force et de batailles entre barbares mal dégrossis ne provoquent en moi, au mieux, qu'un ennui certain, au pire, un dégoût incoercible. J'ai du mal à y voir une leçon de courage et de renoncement... Le mot héroïsme, à mon avis, ne saurait s'appliquer à ce genre d'action... Il faut voir cependant l'ambiance étouffante, mélange de ferveur et de parc d'attraction, qui enveloppe cet endroit. On n'ose pas ricaner trop fort, de peur d'être lynchés! Tout dégouline tellement de patriotisme consensuel qu'on ne saurait même s'éclaircir la gorge d'un ton dubitatif. Car il est évident que même les étrangers ne peuvent qu'avoir les larmes aux yeux devant un tel exemple.

Une autre attraction de San Antonio, c'est une sorte de canal bordé de quais encaissés eux-mêmes tapissés de restaurants, avec des terrasses en plein air. Sur la rivière passent des bateaux bondés de touristes, et les bateliers portent un chapeau qui rappelle vaguement celui des gondoliers à Venise. On peut même manger à bord de ces bateaux, mais vu la taille un peu réduite du circuit, au bout d'un moment, ils doivent bien s'apercevoir qu'ils tournent en rond, non? Cet endroit m'avait été chaudement recommandé par un Montréalais rencontré sur un parking de Wal-Mart, à Lafayette, qui m'avait assuré que c'était extraordinaire. Il m'avait dit que ce canal était souterrain. J'avais du mal à l'imaginer. Et effectivement, ce n'était pas vraiment une rivière "souterraine".

Après San Antonio, nous avons continué vers l'Ouest, vers la frontière mexicaine, que nous avons atteinte à Del Rio. J'ai eu un moment de frousse quand les officiers de l'immigration m'ont déclaré qu'ils ne laisseraient pas Emmanuel rentrer aux USA, qu'il devait "quitter les USA dans l'intention de les quitter réellement", et non pas traverser la frontière pour revenir immédiatement. Mais, en définitive, après nous avoir demandé de quoi on vivait et consulté les preuves de nos allégations, ils ont bien voulu permettre à Emmanuel de rentrer encore pour 3 mois. Sinon, il aurait fallu aller au Mexique pour de vrai, mais nous n'étions guère préparés à cela... Ou traverser en deux jours les USA du Nord au Sud pour rentrer au Canada. Joyeuse perspective!

On a donc pu traverser la frontière en sachant qu'on pourrait rentrer. A l'aller, on a pris un petit bus, rempli de Mexicains, mais au retour on a marché car la distance était vraiment dérisoire. Il s'agissait en fait tout simplement de traverser le Rio Bravo. Pour ne pas faire seulement l'aller-retour, on avait emporté un petit pique-nique qu'on a mangé dans la petite ville mexicaine qui fait face à Del Rio, Ciudad Acuna (désolée, pas le temps de trouver la commande des accents espagnols sur mon clavier!).

On a tous été frappés par le changement assez brutal, bien qu'il soit difficile d'expliquer en quoi consiste cette différence. Bien sûr, les rues sont en plus mauvais état, les maisons aussi. On n'a pas trouvé de jardin public pour pique-niquer, et les arbres font cruellement défaut. Il n'y a pas de petites pelouses bien vertes copieusement arrosées matin et soir autour des maisons. Mais le plus gênant, en définitive, c'était de se faire héler à 200 mètres de distance par le chauffeur de taxi du coin, repérant les gringos avec la plus extrême facilité.

Pour rentrer au Mexique, pas de problème, on y rentre comme dans un moulin. Il a fallu chercher les officiers de douane et d'immigration pour réclamer un joli tampon sur le passeport d'Emmanuel.

Voilà comment s'achève notre première semaine au Texas. Ayant parcouru déjà une distance considérable vers l'Ouest, nous allons pousser un peu plus loin pour aller visiter le Parc national de Big Bend, en plein désert de Chihuahua. Il s'agit d'un autre des 7 milieux écologiques présents au Texas. A bientôt pour de nouvelles aventures!

Semaine du 16 au 22 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 23 au 29 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Cette semaine, nous sommes passés à l'Ouest du Pecos! (Pour ceux à qui il manquerait les bases culturelles élémentaires, lisez donc cet épisode de Lucky Luke!)

En se déplaçant de San Antonio à Del Rio, on avait déjà observé un changement très net dans la végétation. Les prairies ont fait place à une sorte d'étendue de broussailles où les Opuntias (figuiers de Barbarie) sont rois, accompagnés de nombreux arbrisseaux aux feuilles grisâtres et d'acacias. Des chèvres trouvent leur subsistance dans ces pâturages austères. Continuant vers l'Ouest après Del Rio, la sécheresse s'accentue encore. On traverse alors une rivière boueuse et maigrichonne: c'est le Pecos.

C'est le dernier point d'eau permanent avant le désert de Chihuahua. Le sol devient encore plus dénudé entre les cactus et autres buissons, tous épineux. Mais en ce printemps qui suit un hiver plutôt arrosé, la floraison des cactus nous fait oublier, un peu, que nous sommes dans un désert.

S'il n'y a pas de point d'eau permanent, les pluies orageuses qui s'abattent de loin en loin ont creusé dans la roche à nu de spectaculaires tranchées, des canyons secs, en quelque sorte... C'est dans ce décor de western que nous sommes tombés sur un endroit plein de charme et d'humour: l'ancien saloon-tribunal du fameux Juge Roy Bean, "la loi à l'Ouest du Pecos" en personne.

Ces locaux, restaurés, ont été flanqués par l'Etat du Texas d'un Visitor Center et d'un petit jardin botanique très intéressant. Le Visitor Center présente une exposition qui retrace la vie mouvementée et haute en couleur de ce juge qui condamnait souvent ses "administrés" à des amendes qu'il empochait sans vergogne, ou encore, au paiement d'une tournée générale dans son saloon. Ce personnage officiait dans une petite ville dénommée Langtry, du nom de son fondateur. Tombé amoureux fou d'une actrice, Lilly Langtry, il lui fit croire que la ville était ainsi nommé en son honneur, et sur son ordre encore bien! Malheureusement pour lui, la charmante actrice ne vînt à Langtry que quelques mois après le décès du Juge.

Continuant notre chemin vers l'Ouest, nous sommes arrivés au Big Bend National Park à temps pour voir le soleil couchant embraser les montagnes Chisos.

Et nous avons été accueillis par un oiseau pittoresque entre tous, le fameux "Road runner", vous savez, le "Bip-Bip" du dessin animé? Cependant, je ne l'ai pas entendu dire "bip-bip"! Cet oiseau court réellement sur les routes et aussi sur le sol dénudé du désert. Il a à peu près la taille d'une grosse pie, en tout cas il est plus petit qu'une poule. Il paraît qu'il se nourrit de lézards et de serpents.

Nous n'avions qu'une journée à peu près à consacrer à notre visite, car nous voulions rentrer à Lafayette à temps pour le Festival International de Louisiane. Heureusement, dans le petit journal gracieusement offert par le Parc national à notre arrivée, on trouvait justement des suggestions de programmes selon la durée du séjour dans le parc. Le programme d'une journée comporte la visite du canyon Santa-Elena, creusé par le Rio Grande, et la visite des montagnes Chisos, qui, par leur altitude un peu plus élevée, bénéficient d'un climat un peu plus frais et plus arrosé, et sont couvertes d'une végétation beaucoup plus développée que le désert environnant. Ces montagnes constituent une sorte d'île de verdure au milieu du désert, on y trouve des plantes et des animaux qui vivaient autrefois dans toute la zone de Chihuahua lorsque le climat y était plus humide et plus frais, et qui ont trouvé là un refuge lors du réchauffement qui a suivi la dernière glaciation.

Pour se rendre dans le canyon Santa Elena, il fallait traverser à gué un petit affluent du Rio Grande, puis monter un sentier escarpé qui s'enfonce ensuite dans le canyon et redescend progressivement jusqu'au bord du Rio. La gentille organisatrice avait mal choisi l'heure de cette randonnée et le soleil cognait dur entre les parois rocheuses. Mais la beauté majestueuse et silencieuse du canyon nous a bien récompensés de nos efforts!

Nous avons dû attendre que le moteur surchauffé de notre motorisé refroidisse un peu avant de nous lancer à l'assaut des montagnes Chisos. Nous y avons bien trouvé un peu de fraîcheur, mais hélas, aussi, d'innombrables petites mouches qui semblaient considérer notre peau comme un abreuvoir bien commode. Il faut dire que malgré leur pluviosité supérieure à celle du désert, ces montagnes ne possèdent aucune source. La vie ne doit pas y être si facile pour les mammifères et les oiseaux qui y vivent. Parmi eux, une sous espèce de "Cerf à queue blanche" ou (= Cerf de Virginie) endémique de ces montagnes. Pendant que les quatre autres affrontaient courageusement les nuées de mouches dans un sentier de randonnée pour apercevoir un peu de la faune sauvage, deux biches sont gentiment venir me tenir compagnie près du camping-car... Ce qui a fait des jaloux!

Après une deuxième nuit dans le Parc, nous avons repris le lendemain la route vers l'Est. Cette fois-ci, pour regagner la Louisiane, nous avons fait un crochet vers le Sud, pour parcourir une autre zone écologique, celle du Sud Texas. Cette zone ressemble un peu à l'Ouest en ce sens que la végétation est assez clairsemée, constituée d'arbustes, avec une abondance d'Opuntias.

Mais les arbustes dominants sont des "Mesquites", aux délicates feuilles composées. Autrefois, les indiens utilisaient ses graines pour faire de la farine (la pinole), puis du pain, et les pionniers fabriquaient du charbon de bois avec ses racines.

Un hôte remarquable de cet écosystème est le Caracara huppé, un oiseau qui en dépit de ses moeurs charognardes possède une certaine élégance. Nicolas souhaitait en apercevoir depuis des semaines et des semaines, le détour par le Sud était en grande partie motivé par l'intention de satisfaire cette légitime envie... Nous n'avons pas été déçus, car, un soir, les Caracaras huppés ont jalonné notre route, prenant complaisamment la pose du haut des poteaux électriques...

Nous avons eu la chance de tomber sur un camping désert servant habituellement de camp de chasse, et nous avons passé là une nuit merveilleusement silencieuse, troublée seulement, au petit matin, par le glapissement de quelques coyotes...

La dernière étape de notre séjour au Texas a été une visite au National Wildlife Refuge d'Aransas. Ce refuge est unique en Amérique du Nord car il comprend la zone d'hivernage de la seule population sauvage migratrice de Grande Grue Blanche d'Amérique. Cet oiseau est plus que rare, car il n'en reste qu'un peu plus de 300 individus, en comptant les oiseaux des jardins zoologiques. C'est un immense oiseau, le plus grand d'Amérique du Nord. Sa hauteur équivaut à peu près à celle d'un homme. La seule population sauvage comporte un peu moins de 200 animaux. Leur population était descendue à environ 12 individus lorsque des mesures de protection ont été prises pour sauver l'espèce. Parmi ces mesures, la création, par Franklin D. Roosevelt, du Refuge d'Aransas. C'est dire si les apercevoir, en liberté, constitue pour un naturaliste un privilège rare!

Nous n'avons malheureusement pas pu les voir, car elles étaient déjà parties pour leur long voyage de 2500 miles (4000 km) vers le Nord de l'Alberta (Canada), où elles vont nidifier. Ce voyage à travers les grandes plaines (Oklahoma, Kansas, Dakota du Nord et du Sud...) leur prend environ 15 jours, soit une moyenne de 266 kilomètres par jour. J'ai soigneusement noté leur trajet, peut-être auront nous la chance de pouvoir croiser leur route dans l'avenir...

Nous avons tenté de parcourir quelques uns de sentiers de randonnée qui sillonnent le refuge, mais des nuées de moustiques affamés nous en ont dissuadé... Je n'avais encore jamais vu une chose pareille. On était littéralement couverts de ces bestioles bourdonnantes et piquantes, un vrai cauchemar. Vous avez déjà vu une famille poursuivie par les moustiques? Imaginez les cris, les courses effrénées... Animation garantie! Et cela, malgré le "répellant" dont nous nous étions abondamment aspergés.

Nous avons poursuivi notre route vers Lafayette en passant par les marais côtiers, où nous avons parfois pu, dans les endroits bien dégagés et ventés, observer tranquillement (sans moustiques) quelques beaux oiseaux comme des spatules rosées, des ibis à face blanche, ainsi que quantité d'aigrettes et de hérons.

C'est ainsi que, suivant notre petit bonhomme de chemin, nous sommes revenus à temps à Lafayette pour assister aux derniers jours du Festival de Louisiane. Mais ça, c'est une autre histoire...

Semaine du 23 au 29 avril 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 30 avril au 6 mai 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

On danse à Lafayette!

Samedi et dimanche derniers, c'étaient les derniers jours du Festival International de Louisiane. Le centre de cette petite ville était fermé à la circulation, et plusieurs podiums avaient été dressés pour les spectacles qui se succédaient en continu. Des musiciens venus de tous les pays francophones donnaient des concerts gratuits. De nombreuses boutiques proposaient des produits d'artisanat et les restaurants du coin tenaient des stands où on pouvait goûter à quelques spécialités cadiennes.

C'est donc l'occasion de vous parler un peu de la culture "cajun". En dehors de la langue, les cadiens possèdent leur propre cuisine et leur propre musique. Tout ce qu'il faut pour passer de bonnes soirées! Ils sont réputés pour leur sens de la fête et les anglophones aiment à les citer en invitant les touristes à "laisser les bons temps rouler"!

La cuisine cajun est, paraît-il, indissociable du riz... Riz qui pousse en abondance en Louisiane du Sud. En effet, 1/4 de la production américaine de riz est cultivé dans un rayon de 50 miles autour de la petite ville de Crowley, située non loin de Lafayette. Les Acadiens ne cultivaient évidemment pas le riz en Acadie, mais les céréales habituelles des pays plus froids: blé, orge, avoine et seigle. En Louisiane, ils se sont mis à cultiver le riz, les patates douces, les poivrons...

Les marécages et les bayous regorgeaient aussi de petites bêtes peu ragoûtantes que les cadiens ont commencé à consommer, par nécessité.

L'écrevisse rouge d'eau douce, rouge même quand elle est vivante, appelée "Crawfish", est devenue une part incontournable de l'alimentation cadienne. Le "Crawfish Boil" remplace le barbecue des Américains dans la vie sociale des cadiens. Les écrevisses sont "cultivées" dans les rizières, après la récolte du riz, en hiver. On en récolte aussi dans le grand marécage Atchafalaya, qui s'étend entre Bâton Rouge et Lafayette. Normalement, le terme anglais pour désigner l'écrevisse est "Crayfish". Il n'y a qu'ici, en Louisiane, qu'elle est dénommée "Crawfish".

On trouve aussi une bonne quantité de fruits de mer, Crevettes en tête. Le Golfe du Mexique tout proche regorge en effet de crevettes, et de divers poissons délicieux.

Beaucoup de recettes de cuisine commencent par la phrase suivante: "First you make a Roux" (D'abord vous faites un Roux). Le roux en question est fait à partir de farine rôtie dans de l'huile, puis mouillée d'eau, le degré de rôtissage déterminant la couleur de roux.

Je vous ai déjà parlé du Gombo, une sorte de soupe épaissie à l'okra. Le principe, en fait, est de vider le frigo de tous les restes qu'on peut y trouver, viande, fruits de mer, légumes, riz... et d'en faire une bonne grosse soupe consistante. Mais, le gombo ne sera pas vraiment réussi sans Filé. Le Filé est une épice constituée de feuilles de Sassafras pilées et réduites en poudre. L'usage de cette épice a été transmise par les Indiens Choctaw aux Cadiens. C'est tout un rituel! Il faut couper des branches couvertes de feuilles en août, "à la pleine lune", puis les suspendre 2 semaines à l'ombre dans un endroit bien aéré. Les exposer au soleil 1h à 1h1/2 avant de les piler ou de les moudre en poudre fine.

La Louisiane peut se vanter d'avoir non pas une cuisine bien spécifique, mais deux! Car à côté de la cuisine cadienne, on peut aussi goûter à la cuisine Créole, développée à la Nouvelle-Orléans par les descendants des Français et des Espagnols, peu à peu métissés avec les Noirs descendants d'esclaves africains. Les Créoles de la Nouvelle-Orléans ne se sont pas mêlés aux Cadiens, car ils étaient bien trop raffinés pour ça! La cuisine créole est en principe, plus légère (moins grasse et moins nourrissante) et plus relevée que la cuisine cadienne.

Partout en Louisiane, on trouve des "PO-BOYS", mais est-ce créole ou cadien? Il s'agit d'une sorte de long sandwich le plus souvent aux fruits de mer ou au poisson. Mais apparemment, ici, les fruits de mer se mangent toujours panés, à moins que ce ne soit précisé! Le fait de les cuire "à l'étouffée" est une des spécificité de la cuisine de Louisiane.

Quant à la musique, difficile de la décrire! Allez donc emprunter des disques à la Bibliothèque, et écoutez! Les instruments traditionnels sont le "fiddle" (violon), l'accordéon diatonique, la guitare...

La musique cajun est faite pour danser avant tout, et lorsqu'elle est jouée, les gens dansent!

Je suis bien contente en tout cas d'avoir pu entendre Zachary Richard, le cajun le plus célèbre, en concert à l'occasion du Festival. Il est la preuve que la Culture cadienne ne se limite pas à du folklore mais est encore capable de création et d'échanges fructueux avec les cultures environnantes.

Dès lundi, les rues de Lafayette ont repris leur calme habituel, et nous avons repris le chemin de la bibliothèque pour nous remettre au travail scolaire... Et, puis, vers la fin de la semaine, les enfants ayant terminé chacun une série devoirs, nous nous sommes mis en route vers le Nord, direction, l'Arkansas, où nous venions de découvrir l'existence d'un Parc National, à Hot Springs.

En chemin nous avons fait une halte à l'Arboretum de Louisiane, où nous avons pu découvrir quelques beaux arbres, ainsi que quelques reptiles intéressants: un lézard qui change de couleur comme un caméléon (d'ailleurs ses yeux bougent comme ceux d'un caméléon). Une tortue appelée "box turtle", qui est capable de fermer sa carapace complètement grâce à une articulation sur le sternum. Et un serpent, le "Great Plains Rat Snake", heureusement non venimeux. Malheureusement, les moustiques étaient aussi au rendez-vous, et nous ne sommes pas fâchés de quitter la Louisiane pour des contrées plus fraîches et moins humides.

Semaine du 30 avril au 6 mai 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Quinzaine du 7 au 20 mai 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Some like it hot...

Nous avons donc quitté la Louisiane pour l'Arkansas, attirés par l'existence d'un Parc National à Hot Springs. En dehors de cette découverte récente (pour moi), je ne savais strictement rien de l'Arkansas. Un voyageur bien intentionné m'avait même déclaré qu'il n'y avait rien à voir en Arkansas. Il devait être Républicain!

En effet, dès notre arrivée dans un "visitor center" astucieusement placé sur notre route, nous avons pu apprendre que l'ancien Président, Bill Clinton lui-même, était originaire de l'Arkansas, et qu'on pouvait donc admirer, dans ce bel Etat, sa maison natale, la maison de son enfance, la "High School" où il a "gradué", la "palais du gouverneur de l'Arkansas" où il a habité pendant 20 ans avant de s'installer à la maison blanche, et, last but not least: son restaurant à hamburger préféré (datant de l'époque où il n'était pas encore un adepte de la nouvelle cuisine).

On nous promet pour bientôt la Bibliothèque Bill Clinton qui doit s'ouvrir à Little Rock, capitale de l'Arkansas.

Il est vrai que l'Arkansas ne peut pas se prévaloir d'attractions touristiques qui puissent rivaliser avec les tropiques de la Floride ou les Cajuns de Louisiane. Sans ouverture sur une mer ou un océan, sans grandes montagnes, sans déserts, sans cow-boys... Ni au Sud, ni au Nord, ni à l'Est, ni à l'Ouest, l'Arkansas est tout simplement "right in the middle of nowhere" (En plein milieu de nulle part...). Elle fait donc partie de la "mid-America", Amérique du milieu, Amérique moyenne... Après tout, peut-être Amérique typique, bien représentative de l'ensemble, au lieu d'être une exception?

A quoi ressemble l'Arkansas? A l'Ouest, on y trouve deux petits massifs de montagnes basses, séparées par la vallée de la rivière Arkansas. Ces montagnes sont abondamment boisées, et émaillées de nombreux lacs. A l'Est, l'Arkansas est limité par le Mississippi (le fleuve), et pour autant que je sache, on y trouve des plantations de coton en abondance. Le Sud, dans la continuité de la Louisiane du Nord et du Nord-Est du Texas, est occupé par de grandes prairies entrecoupées de belles forêts. Partout en cette saison le chèvrefeuille embaume... Les vaches paissent paisiblement dans des pâtures verdoyantes. Le tout dégage une impression de prospérité tranquille et modeste.

L'Arkansas est un Etat peu peuplé (environ 2 millions d'habitants), et très rural. Le climat semble y être très agréable puisqu'à un vrai hiver (avec neige, m'a-t-on dit) succède un printemps précoce et généreux, un été chaud mais pas trop, et un automne flamboyant de couleurs... En traversant ces paysages tranquilles, on se dit que, s'il n'y a pas grand chose à visiter pour un touriste en Arkansas, ce ne doit pas être désagréable d'y vivre!

Il y a tout de même quelques endroits à visiter par ici. Pour commencer, une vraie mine de diamants où le public est admis (moyennant un droit d'entrée), et où l'on peut s'amuser à chercher quelque joyau que l'on peut ensuite conserver, assorti d'un certificat d'authenticité délivré par le State Park qui gère la mine. Cette mine a produit quelques beaux spécimens, elle est considérée comme la huitième mine de diamants au monde, mais une étude a démontré qu'il ne serait pas rentable de l'exploiter industriellement. Il doit être beaucoup plus rentable de la faire fonctionner ainsi, comme une attraction.... En tout cas, l'expérience semblait amusante et nous avons décidé de la tenter!

A l'entrée, un Visitor Center nous fournit quelques renseignements sur l'origine volcanique de ce dyke diamantifère, sur l'historique de l'exploitation de la mine, d'abord manuelle, puis mécanisée, et enfin transformée en attraction touristique privée avant d'être rachetée par l'Etat et de fonctionner comme un "State Park". Il expose aussi quelques-uns des diamants découverts dans la mine, et prodigue quelques conseils pour reconnaître et trouver les diamants.

Le nombre de diamants trouvés dans l'année et dans la semaine écoulée est affiché sur des panneaux. Ainsi la veille de notre visite, 3 diamants ont été trouvés... Chaque découverte est saluée par le mugissement d'une sirène...

Bien sûr, on peut louer et acheter sur place du matériel pour faciliter nos recherches, et je dois reconnaître que les prix pratiqués sont honnêtes.

J'ai donc joué le jeu avec la plus parfaite détermination et le plus grand enthousiasme. Et, vraiment, quand j'ai découvert dans mon tamis une pierre transparente et dure qui brillait de mille feux, j'ai eu "le grand frisson"! Hélas, ce n'était qu'un morceau de verre. Et pour le reconnaître, il fallait remarquer qu'on pouvait voir à travers, alors qu'on ne voit pas à travers un diamant...

Il faut dire qu'en plus d'occasionnels morceaux de verre, le minerais diamantifère regorgeait de paillettes de mica étincelantes et de morceaux de calcite trompeurs, qui révélaient leur vraie nature quand on les écrabouillait entre deux cuillers. Jamais un diamant ne se serait laissé faire!

Nous avons rempli des dizaines de fois le tamis, lavant ensuite son contenu dans l'eau de grandes bassines, dans l'ombre accueillante de vastes préaux. Comme l'a fait remarquer un de nos voisins, où donc, à part au "Crater of Diamonds State Park", des adultes majeurs et vaccinés pourraient-ils passer la journée à jouer ainsi dans la boue et dans l'eau?

C'était donc une journée très détendante, avec une activité physique modérée, en famille... De quoi passer ensuite une bonne nuit, avec des rêves de diamants plein la tête...

Pour la petite histoire, sachez que, lors des galas d'investiture de son mari, Hillary Clinton portait au doigt une bague sertie d'un magnifique diamant jaune. Ce diamant triangulaire avait, à l'état brut, une forme si harmonieuse qu'il n'a jamais été taillé. Bien sûr, vous avez déjà compris qu'il provient de la mine du "Crater of Diamonds". Ce diamant a été prêté à la "First Lady" par l'heureux propriétaire, un citoyen de l'Arkansas soucieux de promouvoir les beautés naturelles de cet Etat, dont le "nickname" (surnom) est "The Natural State" (l'Etat Naturel").

Voici quelques uns des plus beaux spécimens découverts ici. Pour faire rêver les petites filles...

Après la mine de diamants, nous nous sommes rendus à Hot Springs. Notre intention était de visiter le Parc National, mais ce Parc est bien différent des autres visités jusqu'à présent. De faible étendue, il recouvre trois petites "montagnes", dont la "Hot Springs Mountain" du flanc de laquelle jaillissent 47 sources d'eau chaude, et une rue de la petite ville de Hot Springs dans laquelle sont alignées des "Bath Houses" ("maisons de bains" = établissements thermaux) datant du début du siècle.

Hot Springs eut en effet son heure de gloire dans les années d'entre-deux-guerres, lorsque se pressaient autour de ses fontaines, outre de nombreux malades souffrant d'affections chroniques, d'autres personnes, moins malades, venues "prendre les eaux", comme on le faisait dans les belles villes thermales d'Europe. Et c'est bien de ces modèles que s'inspiraient les constructeurs de ces petites maisons thermales, prodiguant bains d'eau chaude et de vapeur, massages, soins de beauté et exercices variés. Le tout dans un décor raffiné, de style extérieur "méditerranéen" et de style intérieur "arts déco".

Les changements de rythme de vie, la découverte des antibiotiques et des sulfamides, et pour finir la fermeture des maisons de jeux et autres tripots qui occupaient les loisirs des curistes, tout cela amena le déclin inéluctable de ces établissements. Un seul est encore en activité: le Buckstaff. Vous pouvez vous y faire bichonner pour une somme allant de $20 à $40 (au taux actuel, 140 à 280F).

Le service des Parcs Nationaux a donc entrepris d'entretenir et de préserver le patrimoine architectural peu commun constitué par cette rangée de Bath Houses.

La plupart des Bath Houses sont seulement entretenues extérieurement. L'une d'entre elles, cependant, la maison Fordyce, a été restaurée et remeublée telle qu'elle l'était au moment de son ouverture en 1925. Elle abrite le Visitor Center du Parc National, où l'on peut trouver toute l'information à propos du Parc, de ses sources, des Bath Houses, ainsi que des visites guidées, un film vidéo expliquant la "routine" des bains, des expositions et explications géologiques sur l'origine des sources chaudes...

Ces sources débitent une grande quantité d'eau claire, inodore et incolore, à la température de 143°F (environ 72°C). L'existence de ces sources chaudes n'est pas liée à une quelconque activité volcanique, et par conséquent elles ne soient pas sulfureuses. On nous explique que l'eau de pluie s'infiltre très lentement dans la roche jusqu'à une profondeur telle que le simple gradient géothermique, qui n'est pas ici plus élevé que la moyenne, la chauffe à cette température. Puis, par une série de failles, sous la pression de l'eau de pluie qui continue à s'infiltrer, l'eau chauffée remonte à la surface très rapidement, sans avoir le temps de refroidir sensiblement. C'est donc le hasard de la conformation des roches, l'existence et l'orientation de leurs failles, qui explique l'existence des sources chaudes de Hot Springs.

Autrefois, les sources s'écoulaient librement au flanc de la montagne, où elles avaient construit des terrasses de travertin. Une algue verte proliférait dans les cavités qui émaillaient ces sortes de fontaines naturelles.

Les eaux se rejoignaient pour former un torrent d'eau chaude le long duquel étaient établies les Bath Houses. Il n'était pas rare qu'en creusant pour construire les fondations d'une de ces maisons, on tombe sur une nouvelle source chaude! Ainsi en est-il dans la maison Fordyce, où la source chaude enclose dans la cave constituait une attraction très prisée par les curistes.

Aujourd'hui les sources sont captées et protégées de la pollution accidentelle sous de petites boîtes vertes.

L'eau est stockée dans des réservoirs et légèrement refroidie avant d'être livrée à la maison Buckstaff et aux 4 hôtels de Hot Springs qui offrent des "bains" à leurs clients. Elle est aussi disponible gratuitement pour tout un chacun, à de grands robinets en divers endroits de la ville. Une partie enfin alimente des fontaines décoratives.

L'endroit le plus charmant de Hot Springs est probablement la cascade située en face de l'Hôtel Arlington, où l'eau chaude dégringole le long d'une paroi de travertin jusque dans deux grandes vasques au bord desquels il fait bon s'asseoir pour écouter le doux murmure de l'eau, tandis que la vapeur blanche monte doucement dans l'air frais du matin... On peut ainsi se faire une petite idée de l'aspect que pouvait présenter la montagne lorsque toutes les sources s'y écoulaient librement.

La tradition orale rapporte que diverses tribus indiennes fréquentaient ces sources, qui étaient considérées comme appartenant à tous et où il était interdit de se battre. Le premier européen à les découvrir, Hernando de Soto, y fut emmené par des indiens, événement représenté par la statue qui orne la fontaine intérieure de la maison Fordyce.

En résumé, Hot Springs est une petite ville charmante, qui ne doit pas sa réputation sulfureuse à ses eaux, mais peut-être à l'illustre personnage qui habita autrefois cette maison tout à fait "Mid-America". Vous devinez qui?

Quinzaine du 7 au 20 mai 2001
La même quinzaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 21 au 27 mai 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

L'Arkansas, côté ville et côté jardin...

Nous avons quitté Hot Springs pour Little Rock, capitale de l'Arkansas. Nous y avons visité le State Capitol, copie conforme du Capitole de Washington, la Old State House (ancien Capitole), ainsi qu'un musée consacré à la crise de Central High School en 1957. Nicolas et Viviane se chargent de vous raconter tout ça... Nous avons aussi fêté l'anniversaire de Viviane, qui a eu 10 ans le 22 mai.

L'Arkansas est un tout jeune Etat. Son territoire faisait partie de la "Louisiana Purchase", lorsque Napoléon Bonaparte vendit aux USA les territoires français de cette région d'Amérique, en 1803. A cette époque, seuls quelques cabanes de pionniers éparpillées le long des rivières et un certain nombre de tribus indiennes, dont des Cherokee, constituaient le peuplement de l'Arkansas, estimé à moins de 1000 personnes...

Les marais qui bordaient le Mississippi sur l'actuel territoire de l'Arkansas étaient réputés pour être les plus impénétrables, et les hommes qui y vivaient étaient, dit-on, moitié ours, moitié alligator...

L'ouverture d'une piste hors des marais, vers les montagnes de l'Ouest, permit à des pionniers de venir s'installer à partir du Missouri, situé au Nord.

C'est en 1836 que l'Arkansas est devenu un Etat de l'Union. Ils ont construit, dans la capitale Little Rock alors limitée à un rassemblement de cabanes de rondins, un Capitole relativement disproportionné, devenu depuis la "Old State House".

Malheureusement pour eux, ce bâtiment imposant avait été construit sans fondations dignes de ce nom, d'où des problèmes à répétition. Le plafond s'est écroulé à deux reprises sur les bureaux des législateurs, sans faire de victime.

Ils ont d'ailleurs remis ça avec le nouveau Capitole, construit au début du siècle... Sa magnificence paraît effectivement un peu hors de proportion pour un Etat de 2,5 millions d'habitants, dont le législature ne se réunit qu'une fois tous les deux ans, les années impaires!

Le nom "Arkansas", qui signifie selon les sources "vent du Sud" ou encore "tribu située en aval" dans une langue indienne maintenant disparue, désignait une tribu vivant par ici... Quoique, apprend-on par ailleurs, du temps de l'arrivée des premiers colons d'ascendance européenne, l'Arkansas servait plutôt de territoire de chasse à des tribus qui n'y vivaient pas...

Un certain flou artistique flotte sur l'histoire pourtant courte de ce petit Etat. Son surnom (nickname), The Natural State, est bien choisi. Nous n'y avons vu que des traces somme toute limitées de la société industrielle, et les montagnes (modestes) servent d'écrins à de bien jolis lacs. Pour moi, les couleurs de l'Arkansas, c'est le bleu, le vert et le blanc... Bleu des lacs et du ciel, vert des forêts et prairies, blanc des nuages...

Et puis, c'est somme toute rassurant de pouvoir passer 15 jours quelque part et de s'apercevoir au bout de ce délai qu'on a vu tout ce qu'il y a à voir...

Ici, en Arkansas, c'est l'endroit idéal pour goûter ce qui fait le charme de l'Amérique: les grands espaces (presque) sauvages. Bien que les lacs en question soient artificiels, passer un week-end ou une journée "au lac" fait partie de l'art de vivre ici.

Nous finissons la semaine à Heber Springs, petite ville de 5000 âmes, située à proximité du Lac de Greers Ferry. Jamais entendu parler? C'est parfaitement normal!

Ce lac est le résultat de la construction d'un barrage, au début des années soixante. Il fait partie d'un vaste plan de contrôle des crues dans le bassin du Mississippi. Dans les années 30, toute la région du Mississippi avait en effet été victime de crues dramatiques, et le gouvernement fédéral avait mandaté le "US Army Corps of Engineers" pour résoudre définitivement le problème. Retardé par la seconde guerre mondiale, le projet de Greers Ferry Lake a été remis en chantier à la fin des années 50, et le barrage dûment inauguré par J.F. Kennedy en 1963.

Chaque fois qu'ils créent un lac, les ingénieurs de l'US Army Corps of Engineers ont à coeur de créer tout autour de ce lac des zones récréatives avec aires à pique-nique, campings, rampes de mise à l'eau pour les bateaux, plages, etc. Il n'y a guère mieux pour se détendre que d'aller regarder le soleil miroiter sur l'eau bleue et claire d'un lac, tout en taquinant la perche ou le poisson-chat...

C'est l'occasion de se retrouver en famille ou entre amis, pour quelques jours en plein air. A l'approche de "Memorial Day", un des rares jours fériés aux USA, le bord des lacs se peuple ainsi de familles à la mine réjouie et l'air se remplit des fumées des barbecues.

Nous avons visité un Centre des Visiteurs où les enfants pont pu comprendre la production d'hydroélectricité.

De plus, nous avons pu visiter l'élevage de truites arc-en-ciel qui se trouve au pied dudit barrage. Dans des bassins alimentés par l'eau du lac, entre 700 000 et 1 million de truites arc-en-ciel sont produites chaque année pour être relâchées dans la "Little Red River" ainsi que dans d'autres rivières d'Arkansas et du Missouri.

Cet élevage est la réponse trouvée par le gouvernement fédéral à la modification radicale de la qualité des eaux en aval du barrage. La création d'un lac très profond a entraîné en effet la stratification des eaux, avec accumulation d'eau très froide au fond du lac. Or, l'eau qui est relâchée au pied du barrage provient de cette couche d'eau froide. La rivière, autrefois tiède, reçoit maintenant une eau glacée, ce qui a fait disparaître inexorablement tous les poissons autochtones.

La rivière est maintenant régulièrement repeuplée avec des truites arc-en-ciel produites en élevage. En effet, le fond de la rivière est impropre à la reproduction naturelle de ces poissons, qui doivent donc être régulièrement relâchés, pour satisfaire les pêcheurs.

Le mythe de l'Amérique sauvage et vierge en prend un sacré coup, mais, bon, c'est tout de même intéressant, non? Les enfants n'ont pas résisté à la tentation d'aller jeter une ligne dans la "Little Red River", devenue rivière à truite... Mais il faut croire que même pour attraper des truites d'élevage, il faut s'y connaître un peu.

Un record du monde barbote dans cette rivière: une truite de 40 livres et 4 onces. Et si vous ne savez pas combien ça fait en kilos, ne comptez pas sur moi pour vous le dire. Sachez seulement qu'il faut 2,2 livres américaines pour faire un kilo et que 15 onces égalent 425 grammes... Cette truite a été relâchée dans une zone protégée de la rivière où toutes les prises doivent être remises à l'eau, et elle n'attend que vous...

Semaine du 21 au 27 mai 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 28 mai au 3 juin 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Nowhere, Tennessee

Cette semaine nous avons quitté l'Arkansas pour le Tennessee, en traversant l'un des deux ponts reliant West-Memphis (Arkansas), à Memphis (Tennessee), au-dessus du Fleuve Mississippi. Auparavant, nous avions musardé encore un peu en Arkansas, dans les belles montagnes Ozark, en visitant les grottes de Blanchard Springs.

Je laisse Nicolas et Luc vous parler de ces grottes, magnifiques, et je vais tâcher de saisir pour vous (et pour moi) ce que le Tennessee a de particulier. Ce qui n'est pas facile, car le Tennessee est avant tout, je pense, la patrie de la musique "Country", à laquelle je ne connais strictement rien. Les noms des grandes "stars" de ce genre musical ne m'évoquent rien, et vous ne les avez probablement jamais entendus non plus!

Point de vue paysage, le Tennessee est un peu le symétrique de l'Arkansas: on y trouve, à l'Ouest, la grande plaine alluviale du Mississippi, et tout à l'Est, des montagnes. Cependant, les montagnes qui forment la frange Orientale du Tennessee sont les majestueuses Great Smoky Mountains, beaucoup plus élevées que les Ozark. En vérité, on y trouve presque les plus hauts pics de l'Est des USA. Les "Smokies" sont en fait la pointe Sud de la chaîne des Appalaches.

Le Tennessee est un Etat tout en largeur, étiré entre ses deux frontières naturelles: le Mississippi à l'Ouest et les Appalaches à l'Est. Ses frontières Nord et Sud, en revanche, ont été tirées au cordeau de la façon la plus artificielle qui soit. Géographiquement, et même historiquement, le Tennessee et le Kentucky, au Nord, forment une même unité artificiellement séparée en deux.

Entre la vallée du Mississippi et les Appalaches, le Tennessee possède plusieurs zones de hautes terres entaillées par de puissantes rivières.

La végétation est formée essentiellement de feuillus, dont les Noyers américains (Hickory), les chênes blancs, les tulipiers de Virginie, les Copalmes d'Amérique (Liquidambar)... De nombreuses prairies s'étendent entre les collines boisées. En définitive, c'est vraiment le pendant de l'Arkansas à l'Est du Mississippi.

Si l'Arkansas est bleu-blanc-vert, le Tennessee cependant est plutôt vert-gris-rouge. Le rouge de la brique (ce matériau doit être particulièrement abondant au Tennessee car on trouve énormément de maisons construites en briques)

et des innombrables granges peintes de ce rouge si particulier aux granges d'Amérique. Quant au gris, et bien il est probablement dû à un malheureux hasard, mais le fait est qu'on s'est pris quelques journées bien pluvieuses et bien grises sur la tête depuis notre arrivée ici!

Notre objectif étant avant tout le Parc National des Great Smoky Mountains, nous avons entrepris la traversée du Tennessee d'Ouest en Est, en tâchant cependant de visiter tout ce qui pouvait être intéressant en chemin.

Première étape: Memphis. Deux endroits seulement ont retenu notre attention. Mais finalement nous n'en avons visité aucun.

Nous n'avons pas pu visiter le Musée des Droits Civiques, installé dans le Motel "Lorraine", où Martin Luther King a été assassiné le 4 avril 1968. En effet, nous aurions dû remettre notre camescope à l'entrée, et je n'aurais rien pu vous montrer de ce que nous aurions vu, ni en garder de souvenir. On a donc préféré y renoncer. Mais nous avons pu voir le balcon de la chambre du Motel où il a été assassiné, et j'ai donc pu expliquer aux enfants qui il était et pourquoi il a perdu la vie...

Le deuxième endroit, ma foi, s'il y a parmi mes lecteurs des fanatiques du "King", Elvis Presley, qu'ils me pardonnent, mais nous n'avons PAS visité Graceland, le manoir transformé en Musée de l'ex-Roi du Rock'n'Roll. Nous n'avons PAS vu sa cadillac rose, ni ses deux "Jets" privés, ni les attendrissantes photos de sa vie de famille... La raison en est qu'il n'y avait pas parmi nous personne qui soit prêt à payer $25 (200F au taux actuel) pour goûter à de tels privilèges.

Nous avons donc filé vers Nashville, la ville de la musique Country. Mais comme les grandes stars nous sont totalement inconnues, nous nous sommes contentés du cocktail habituel dans les capitales: le State Capitol et le State Museum!

Nous avons tous d'un commun accord décerné au Capitole du Tennessee la palme du Capitole le plus moche parmi ceux qu'on a visités. Imaginez l'église de la Madeleine à Paris sur laquelle on aurait embroché l'un des deux clochers de l'église St Sulpice (toujours à Paris).

Heureusement, les Américains sont parfois capables de faire mieux, point de vue architecture. Dans la banlieue de Nashville se trouve un gigantesque hôtel, appelé Opryland Hotel. Les chambres de cet hôtel s'ouvrent sur des jardins intérieurs très spectaculaires. Sous d'immenses dômes de verre, ces jardins magnifiques, regorgeant de plantes tropicales parfumées, sont agrémentés d'immenses jets d'eau mis en valeur par de savants éclairages. Pour ceux qui connaissent, ces jets d'eaux ressemblent, en plus grand, au spectacle de la "Féerie des eaux" du Cinéma Le Grand Rex, à Paris.

On y trouve même des cascades, une sorte de rivière où circulent des bateaux, des quartiers reconstitués dans le style de la Nouvelle-Orléans, ainsi que des terrasses de restaurants... Une vraie folie, qui évoque un peu les immenses casinos de Las Vegas (non encore visités, mais très célèbres...) Cet hôtel est destiné à loger les très nombreux spectateurs d'une émission radiophonique qui a l'air très populaire, et qui existe depuis 1925: The Grand Ole Opry. Ne me demandez pas ce que ça veut dire, ce nom est pour moi un mystère total.

Quant au Musée de l'Etat, il nous a raconté une histoire qu'on commence à connaître par coeur, et que Viviane résume fort bien: la nature, les dinosaures, puis encore la nature, les mastodontes, les Indiens, puis l'arrivée des blancs, etc.

Le Tennessee fait partie des territoires situés à l'Ouest des Appalaches, qui ont été "colonisés" par des pionniers venus des premières colonies, celles de la côte Atlantique, principalement la Virginie et la Caroline du Nord. Les Britanniques ont longtemps fermé l'accès aux territoires situés à l'Ouest des Appalaches. Ces territoires appartenaient le plus souvent d'ailleurs à des tribus indiennes, ce qui était reconnu par divers Traités. De plus, les colonies commençaient à devenir trop remuantes et rebelles aux yeux des Britanniques, aussi préféraient-ils laisser le droit de s'installer à l'Ouest des Appalaches... aux "Canadiens", sujets somme toute beaucoup plus fidèles.

Bravant les interdictions et violant sans vergogne le territoire des Cherokees, les pionniers, conduit par un certain Daniel Boone, et un certain... Davy Crockett, ont tout de même franchi les Appalaches, certains ont même créé leur petite République, quelques années avant la guerre d'Indépendance.

Bien sûr, les Cherokees ont vu d'un assez mauvais oeil l'invasion de leur territoire, les conflits entre les pionniers et les Indiens n'ont guère cessé. Les alliances se sont faites et défaites... Alliés des Britanniques, puis des Américains, les Cherokees se sont vus, en fin de compte, sommés de quitter leur territoire pour l'Oklahoma, beaucoup plus à l'Ouest. Cette déportation, qui s'est traduite par plus de 4000 morts (pour 17000 déportés), a eu lieu dans les années 1836 à 1838, et elle est restée dans l'histoire sous le nom de "Trail of Tears" (sentier des larmes, ou, si l'on traduit plus exactement les termes Cherokee, "Le sentier où ils ont pleuré". Certains Cherokees avaient, plus ou moins de bon coeur, accepté les terres qu'on leur proposait plus à l'Ouest et étaient déjà partis. D'autres, en revanche, n'ont pas voulu accepter ce départ et sont restés, jusqu'au moment où, le délai qu'on leur avait accordé étant expiré, les soldats sont venus les arrêter. On les a conduits dans des enclos palissadés où on les a maintenus prisonniers jusqu'au moment où un convoi a été organisé pour les conduire en Oklahoma. La plupart étaient à pieds, beaucoup n'avaient avec eux que les vêtements qu'ils portaient lors de leur arrestation. En chemin, ils ont rencontré la neige, le froid, et devaient dormir sans feu, à même le sol...

Le personnage à l'origine de cette solution brutale se nomme Andrew Jackson, 7ème Président des Etats-Unis. Personnage odieux comme l'histoire en produit souvent hélas, Andrew Jackson devait la vie à un chef Cherokee engagé aux côtés des Américains dans la guerre de 7 ans contre les Français et leurs alliés, les Creeks. En 1812, à la bataille de Horse Shoe Bend, ce Cherokee, nommé Junaluska, s'était porté au secours de Jackson, qu'un Creek avait à sa merci.

Un peu plus de 20 ans plus tard, ce même Junaluska se rendit à Washington, avec la délégation Cherokee, pour tenter de fléchir Andrew Jackson, devenu Président, et d'obtenir que les Cherokees puissent rester sur leur territoire. Peine perdue! Jackson le considéra froidement, puis dit seulement: "Votre entrevue est terminée, je ne peux rien pour vous."

Les Cherokees avaient pourtant fait preuve d'une extrême faculté d'adaptation, changeant leur mode de vie pour le rapprocher de celui de leurs envahisseurs. Au moment de leur déportation, ils étaient pour la plupart fermiers, ayant adopté les outils et les techniques des pionniers, exerçant les mêmes "métiers" et commerçant avec eux. Beaucoup étaient convertis au christianisme. Malgré cela, les contacts avec les pionniers n'étaient pas toujours faciles.

Certains pensent que c'est la découverte d'or sur le territoire Cherokee en Géorgie (juste au Sud du Tennessee) qui a déclenché leur déportation. En effet, l'Etat de Géorgie s'est empressé d'édicter des lois interdisant aux Cherokees de prospecter l'or. C'est peu de temps après que, pour "protéger les Cherokees", Andrew Jackson fit passer sa loi les obligeant à partir.

Seule une petite partie des Cherokees a pu rester dans une zone montagneuse qui n'intéressait apparemment personne, avec l'aide de quelques blancs qui leur servirent de "prête-nom" pour acheter des terres. Des fugitifs ayant réussi à échapper aux soldats qui les escortaient vers l'Ouest se joignirent à ce petit groupe. Les descendants de ceux qu'on a appelé "la bande de l'Est" vivent encore sur un morceau de territoire, devenu réserve Indienne Cherokee, dans les Great Smoky Mountains, en Caroline du Nord, juste à côté de la frontière du Tennessee.

Les autres, les descendants des déportés, vivent dans une réserve en Oklahoma. On les appelle: "la bande de l'Ouest".

Ce sera tout pour cette semaine, mais nous reparlerons certainement des Cherokees, car ils sont certainement ce qu'il y a plus intéressant ici au Tennessee. Cet Etat est malheureusement un bon exemple de cet "esprit pionnier" qui continue à hanter l'imaginaire des Américains, et dont on ne peut comprendre pourquoi ils ne le voient pas tel qu'il est: la force brutale d'une invasion dans un territoire qui ne leur appartenait pas, et dont ils ont massacré, chassé, humilié et méprisé les habitants.

Sur le mur de l'histoire du Tennessee, érigé en 1996 à l'occasion du Bicentenaire de cet Etat, dans un grand jardin en face du Capitole, on peut lire cette citation de Davy Crockett, un conseil pour ceux qui viendraient après lui: "Soyez sûr que vous avez toujours raison, et puis, foncez!". J'ai oublié de dire que le "Nickname" (surnom) du Tennessee est "The Volunteer State", parce que les gens du Tennessee étaient toujours prêts à aller se battre dans toutes sortes de conflits qui ne les regardaient pas toujours... et ils en sont très fiers. Davy Crockett lui-même est bien mort à la bataille de l'Alamo, au Texas, lors de la "Révolution Texane" contre le Mexique.

Je ne voudrais pas être injuste, alors je dois terminer en signalant que le même Davy Crockett a pris la défense des Cherokees contre Jackson, mais, hélas, sans succès. Comme quoi il n'était peut-être pas aussi primaire qu'on pourrait le croire.

Semaine du 28 mai au 3 juin 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 4 au 10 juin 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

The Great Smokies

Nous continuons notre progression vers l'Est. Et nous passons aussi plus de temps dans la nature, ce qui fait du bien! Nous avons visité un State Park où se trouve une chute d'eau de 249 pieds de hauteur (83 mètres), et qui nous a été vendue comme la plus haute à l'Est des Rocheuses. Il faut toujours que ce soit "le plus" quelque chose, de toutes façons...

Cela dit, c'était tout de même très impressionnant et très vertigineux, je dois le reconnaître, même si le torrent qui se jette ainsi dans le vide n'était pas très gros.

Ce State Parc se trouve dans le Cumberland Plateau, haute terres calcaires et gréseuses qui bordent les Appalaches sur l'Ouest. En traversant ces hautes terres à la nuit tombée, nous avons pu voir un des spectacles les plus féeriques qu'il nous ait été donné de voir. Des milliers de lucioles illuminant la nuit. Certaines, volant au-dessus des prairies, semblaient de grosses étoiles filantes à la trajectoire étrangement courte, tandis que celles qui étaient posées dans les grands arbres isolés les faisaient clignoter comme autant de sapins de Noël... Avec, au passage, le chant d'un moqueur polyglotte (l'un des meilleurs chanteurs parmi les oiseaux Nord-Américains), ou le cricri de quelque grillon, dans l'air tiède et parfumé de la montagne... Quelle nuit! Il y a des moments, comme ça, où l'on reçoit, de façon inattendue, un tel cadeau... qu'à défaut de savoir qui nous l'a envoyé, on a tout de même envie de dire merci...

J'aimerais pouvoir dire que, ce que le Tennessee n'a pas pu nous donner sur le plan humain et historique, il nous l'a donné sur le plan de la Nature... J'espérais retrouver dans les Smokies cet émerveillement ressenti lors de la nuit des lucioles... Hélas! Le Great Smoky Mountains National Park n'est pas le Parc le plus fréquenté des USA pour rien! On a eu le malheur d'arriver là, en plus, le samedi en début d'après-midi... La chose à ne pas faire! On se serait cru dans un grand parc urbain, avec défilé ininterrompu de voitures, tous les emplacements de pique-nique étaient occupés par des familles (nombreuses, apparemment!), l'air était lourd des odeurs de charbon, barbecues obligent. Pourtant, ce n'était plus Memorial Day!

A l'entrée du Parc, côté Tennessee, on peut admirer un concentré de ces parcs d'amusement dont les Américains raffolent: mini-golfs avec décors délirants, mini-carts, sauts à l'élastique variés, fast-foods et motels en tout genre... Au secours! Est-ce qu'on ne s'est pas trompé d'adresse? Où sont la paix, le charme, les belles "vibrations" qu'on a ressentis aux Everglades, ou à Big Bend?

Je vais tout de même essayer de mettre de côté ma déception pour vous parler un peu (positivement, si possible) des Great Smoky Mountains. Ce massif est situé au Sud de la grande chaîne des Appalaches, le massif ancien qui s'étend du bouclier canadien, tout au Nord, jusqu'à la Géorgie, tout au Sud. Cette chaîne de montagnes a constitué la première "frontière" des Américains, la limite entre la zone "civilisée" et l'Ouest sauvage.

Le Parc National est situé pour moitié dans l'Etat du Tennessee, et pour moitié dans celui de Caroline du Nord. La ligne de crête est la frontière naturelle entre les deux Etats.

Les Smokies culminent à 2024m au Clingmans Dome. Ces vieilles montagnes sont trop basses pour avoir des prairies d'altitude, encore moins des neiges éternelles, mais les versants sont assez escarpés, ce qui procure des vues dégagées et spectaculaires... quand le temps n'est pas trop brumeux. Aux brumes naturelles qui ont donné leur nom aux Great Smokies (en Cherokee: "Shaconage" soit "bleu comme la fumée") se joignent maintenant les effets de la pollution, les deux concourant à boucher la vue de façon assez prononcée. Le temps chaud et humide qui règne en ce moment n'arrange pas les choses. Le temps semble orageux, on entend tonner, mais ce ne sont que des espoirs. Le bon gros orage qui éclaircirait l'atmosphère et rafraîchirait le temps ne se décide pas à éclater.

Les dénivelés sont assez importants dans les Smokies, on peut donc, si notre moteur nous le permet, passer assez rapidement des "foothills" aux sommets, où la température chute de 10°C (ouf!), et on l'on respire la bonne odeur des résineux. Le sommet des Smokies, plus arrosé et frais que leur base, est en effet le domaine des Sapins et des Epicéas, accompagnés de tout leur cortège de plantes et d'animaux. En plaine, ces espèces se trouvent naturellement au Canada, soit un bon millier de kilomètres plus au Nord. Un hôte charmant et peu farouche de cet écosystème est le petit Junco ardoisé (Junco hyemalis). Plutôt nordique, on le trouve cependant jusqu'au Nord de la Géorgie, et son aire de répartition se calque sur les crêtes élevées des Appalaches... En hiver, on le trouve en abondance dans les vallées basses et les "foothills". Quand vient l'été, une partie de ces oiseaux remonte jusqu'au Canada pour nicher, tandis que l'autre population se contente de grimper vers le haut de la montagne pour retrouver son habitat d'été...

A cause des forts dénivelés, des différences d'exposition, d'humidité, et de composition du sol, les Smokies, plus que tout autre endroit, sont vraiment une mosaïque d'habitats variés et contrastants. On voit donc, dans un espace géographique assez réduit, une variété d'espèces animales et végétales rarement égalée. Ceci a valu aux Great Smokies leur classement comme "Réserve de la Biosphère" par l'ONU. Il paraît qu'il y a ici plus d'espèces d'arbres que dans toute l'Europe du Nord (mais où font-ils passer la limite en le Nord et le Sud?). Et pour ceux qui aiment les salamandres, je signale qu'on trouve ici plus d'espèces que n'importe où ailleurs, dont plusieurs sont endémiques (on ne les trouve qu'ici).

Malheureusement, je dois dire que toute cette richesse n'apparaît pas vraiment, à la visite du Parc. Le problème essentiel, je crois, tient au fait que seules deux routes goudronnées pénètrent dans le Parc, et que sur ces routes se concentrent les 10 millions de visiteurs annuels que reçoit le Parc. Faites le calcul: 10 millions divisés par 365 jours, c'est plus de 25000 visiteurs par jour en moyenne, soit, en réalité, les week-ends, jours fériés et autres vacances, bien plus encore... Pas étonnant alors que la route ressemble à une "Interstate" et qu'on y prévoit des embouteillages chaque dimanche après-midi, lorsque tout ce monde prend la route du bercail.

Pour apprécier les Smokies, sans doute faut-il randonner, mais même là, ça se bouscule sur les sentiers. Les Cerfs de Virginie semblent peu dérangés par ce va-et-vient, aussi est-ce un spectacle commun qui ravit tous les visiteurs: sur la route de Cades Cove, une vallée autrefois cultivée, c'est tous les 100 mètres qu'une biche ou deux broutent au bord de la route... Mais en dehors de ces animaux presque domestiqués, on n'aperçoit pas grand chose au milieu de tout ce chahut. Seules les grandes randonnées très loin des routes doivent permettre de goûter à la Nature.

Les Visitor Centers ne sont pas très bien faits non plus. Les particularités écologiques du Parc ne sont pas bien mises en lumière, et les Rangers m'ont paru moins compétents que dans les autres parcs.

Mais pour ne pas finir sur une touche trop négative, il faut que je vous parle d'un Musée en plein air situé à côté du Visitor Center qui se trouve côté Caroline du Nord, à l'entrée Est du Parc (Oconaluftee). Il s'agit de la reconstitution d'une ferme de montagne telles qu'elles existaient dans les Smokies avant la création du Parc National. Les bâtiments ont été déplacés, pour la plupart, de diverses localités des Smokies. C'est un volet important de ce Parc, qui conserve aussi les traces de l'activité humaine, et beaucoup de gens viennent dans les Smokies pour rêver de la vie de leurs ancêtres plutôt que pour découvrir la nature. (Et beaucoup viennent juste pour faire un barbecue, pêcher et barboter dans les rivières). Pour en revenir à la ferme, elle est vraiment très bien reconstituée et les explications sont claires et intéressantes. Parmi les spécificités de ces fermes, j'en ai retenu deux.

Les pionniers fabriquaient une mélasse en faisant épaissir sur le feu le jus sucré d'une plante qui n'est pas la canne à sucre mais y ressemble un peu. Il s'agit d'un Sorgho, appelé "Sorghum Cane", qui peut pousser sous le climat des Smokies. Il va sans dire que les pionniers ne s'installaient pas sur les sommets ventés et froids, mais dans les vallées tièdes et protégées, appelées "Coves". Cependant, le climat était trop frais pour la vraie canne à sucre. Ils ne cristallisaient pas de sucre, peut-être parce que le jus du "Sorgho Canne" ne s'y prête pas, mais ils consommaient la mélasse et l'utilisaient pour faire des gâteaux.

L'autre spécificité, c'est la "Springhouse", de "Spring" = "Source" et "House" = "Maison". Les pionniers s'installaient toujours près d'une source permanente pour assurer leur alimentation en eau potable. L'autarcie était en effet la règle dans ces montagnes isolées auxquelles on n'accédait que par deux jours de marche sur des sentiers étroits et escarpés. Pour conserver leurs aliments dans les chaudes journées d'été, les pionniers installaient autour de leur source une cabane en bois, et collectaient l'eau dans une rigole en bois ou en pierre. Ils plaçaient ensuite dans cette rigole des jarres dans lesquelles ils stockaient leurs denrées périssables telles que le beurre, les oeufs, le lait, etc. La fraîcheur de l'eau réfrigérait et conservait leurs aliments, tandis que la cabane les protégeait de l'appétit des ours et autres ratons-laveurs... Et au bout de la rigole, l'eau sortait de la cabane, où l'on pouvait toujours la récupérer pour la boire!

J'ai trouvé ça très astucieux et très sympathique. J'en oublie presque que ces gens-là ont fait partir les légitimes habitants des Smokies, à savoir les Cherokees.

Juste avant d'arriver dans le Parc, nous avons visité un Musée consacré à l'histoire des Cherokees, ainsi qu'à un Cherokee qui est resté célèbre pour avoir inventé, tout seul, un système d'écriture pour la langue Cherokee. Il s'appelait Sequoyah, et si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire la page de Viviane.

En quittant le Parc, nous avons traversé aussi la Réserve Cherokee, entièrement jalonnée de boutiques à souvenirs décorés de tipis et de têtes d'indiens emplumées. Grotesque quand on sait que les Cherokee n'ont jamais vécu dans des tipis et ne portaient pas de plumes sur la tête. On y a trouvé aussi quelques mini-golfs dont les décors regorgent de loups, d'ours, de tipis et de totems, ce qui les différencie grandement de leurs homologues américains.

Je voulais absolument voir le casino, qui est la preuve flagrante de l'adaptabilité des Cherokees. Les jeux de hasard sont en effet interdits dans beaucoup d'Etats des USA, et les Etats qui l'autorisent, comme le Nevada par exemple, sont truffés de casinos. Les Cherokee font la loi dans leur réserve, ils ont compris l'intérêt (financier) des casinos. Les habitants du Tennessee et de Caroline du Nord peuvent venir dépenser leurs sous en territoire Cherokee, et ça marche!

Je n'avais pas le droit de filmer l'intérieur du casino, mais en fait ce n'est qu'un immense bâtiment rempli de machines à sous. Tout cela clignote dans tous les sens et on est sonné par les "bips" et autres "bings" qui accompagnent la rotation virtuelle de ces jeux de hasard électroniques.

Nous quittons à présent les Great Smokies pour gagner le Shenandoah National Park, à 500 miles (800km) au Nord, par le Blue Ridge Parkway ("la route de la crête bleue"). Y trouverons-nous la paix tellement recherchée?

Semaine du 4 au 10 juin 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Quinzaine du 11 au 24 juin 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

En flânant dans les Appalaches
Des Great Smokies à Washington

Que c'est bon de flâner le long d'une route de montagne, entre les rhododendrons en fleur et les épicéas! C'est sûr, là-haut, l'herbe est plus verte, l'air plus pur et les nuits plus claires. On était si bien, dans les Appalaches, qu'on a comme qui dirait tout oublié, et surtout le calendrier...

Il nous a fallu ainsi presque deux semaines pour remonter cette route ("comptez 3 à 5 jours" pour une promenade tranquille), en effectuant de nombreuses haltes pour admirer le paysage et parcourir quelques-uns des nombreux petits sentiers qui sillonnent la montagne.

Le "Blue Ridge Parkway" est une route qui n'a pas d'autre but que la promenade. Elle ne traverse aucun village, aucune ville. On n'y trouve aucun commerce, sauf, de loin en loin, de rares auberges, campings, et magasins d'alimentation desservant lesdits campings, ainsi que quelques "Visitor Centers". Les "points de vue" ("Overlooks") sont si nombreux qu'il est impossible de s'arrêter à tous. Certains sont de simples dégagements sur le bord de la route, d'autres de vraies petites aires de repos à l'écart de la circulation, séparées de la chaussée par de petits bosquets d'arbres... Ces "overlooks" sont devenus nos refuges pour la nuit. Dormir enfin dans le silence, sous un ciel noir et piqueté d'étoiles, entourés par la danse des lucioles... Entendre le cri de l'engoulevent ("Whip-poor-will")... Se réveiller au matin dans l'air pur, avec sous les yeux, à perte de vue, le moutonnement des vallées et des crêtes embrumées...

En arrivant tout au Nord, dans le Parc de la Shenandoah, la crête se rétrécit encore, et on domine la vallée de la rivière Shenandoah, en contrebas. Une nuit, les lumières brillaient dans le fond de la vallée comme autant d'étoiles orangées, et on se serait cru sur une île noire et paisible, silencieuse et discrète entre deux océans d'étoiles.

Comment voulez-vous, avec cela, qu'on se soucie encore de la date qu'il est et de la dernière fois qu'on a actualisé notre site? Les enfants ayant enfin terminé leur année scolaire, on s'est laissé dériver doucement en suivant le cours de cette route qui nous isole de la civilisation aussi efficacement qu'un voyage au bout du monde. Car on peut tracer sa route, km après km, en remontant vers le Nord, sur une longueur de 1000 km environ, sans quitter les montagnes, sans rencontrer autre chose que des constructions datant du siècle dernier (fermes, moulins, manoirs, restaurés et souvent ouverts à la visite). Parfois ces constructions abritent une boutique d'artisanat offrant couvertures en patchwork, vitraux, tableaux, etc.

Les villes, les panneaux publicitaires, les Wal-Mart... tout cela semble si loin... Dans une autre vie, peut-être... Mais il suffirait de descendre de la montagne, de prendre une de ces intersections que l'on croise sans s'y arrêter, de tourner vers l'Est, ou vers l'Ouest... Et on se retrouverait brusquement replongés dans le 21ème siècle.

Ces plongées en apnée dans la chaleur, le bruit, la pollution, il a bien fallu les faire pour acheter essence, provisions, et laver quelque vêtements... Avec quelle joie reprenions-nous ensuite la route des hauteurs, pour encore quelques jours de paix!

La dernière portion de cette route se situe dans le Parc national de la Shenandoah, et la route change de nom: elle devient la Skyline Drive (la route sur la ligne du ciel?). Les "Visitor Centers" deviennent plus nombreux, et la faune sauvage plus abondante et plus présente. Les Cerfs de Virginie viennent carrément quémander vos miettes de pique-nique, et il est difficile d'y résister, mais il faut expliquer aux enfants qu'il ne faut surtout pas les nourrir, que ce n'est pas un service à leur rendre! En effet, ces animaux finissent leur vie écrasés par une voiture, ou égorgés par des braconniers qui viennent dans le Parc en hiver et n'ont qu'à les appâter avec un peu de pain...

Pour ce qui est des paysages, le Parc de la Shenandoah n'est pas plus intéressant que le Blue Ridge Parkway, et sa visite ne vaudrait pas les $10 de droits d'entrée, s'il n'y avait les ours noirs... Ils sont en effet très nombreux dans le Parc, et nous avons eu la chance d'en apercevoir à trois reprises.

La première fois, un adulte a traversé la route devant notre véhicule. Je n'ai pas eu le temps d'attraper ma caméra. La deuxième fois, en revenant d'une randonnée, nous en avons vu deux traverser une route et passer à travers bois en direction des bâtiments des rangers (et de leurs poubelles?). Enfin, la troisième fois, je revenais d'une petite balade matinale en solitaire sur un sentier quand j'ai aperçu une ourse avec ses petits... QUATRE petits! Cette rencontre était particulièrement émouvante car, une fois passée la minute d'appréhension (ne lit-on pas partout que les ours noirs sont des animaux sauvages, imprévisibles et potentiellement dangereux, surtout une ourse avec ses petits?), j'ai pu apprécier la grâce toute particulière de ces animaux puissants, qui se déplacent sans aucun bruit sur le sol jonché de brindilles, malgré leur masse imposante. Cette femelle marchait posément, tandis que ses petits roulaient et boulaient autour d'elle. Elle reniflait, nez et oreilles aux aguets, parfaitement consciente de la présence des humains tout autour d'elle, mais parfaitement maîtresse de la situation. Elle avait dû, pour arriver où je l'ai aperçue, traverser la route à découvert à deux pas du parking où j'entendais Luc jouer et bondir sur le parking (que les enfants des hommes sont donc bruyants!). Mais personne ne l'avait vue! A un moment donné, j'embrassais d'un même regard l'ourse et ses petits, et Luc jouant près du camping-car. Plus tard, nous sommes revenus sur le sentier, et nous avons pu apercevoir deux des oursons perchés au sommet d'un grand arbre. Inutile de vous dire que nous n'avons pas quitté le sentier pour nous en approcher!

Notre voyage dans le passé a pris fin par une visite de deux jours à Washington, où nous avons campé entre la Maison Blanche et le Monument à George Washington (une immense obélisque blanche). Nous avons bien aimé l'endroit, très vert et très aéré, où on peut même voir de lucioles sur les immenses étendues de gazon. Nous avons beaucoup apprécié les nombreux musées, tous gratuits et très riches, que nous n'avons pu que survoler. La seule difficulté étant de parvenir à ce "Centre-Ville" particulier, en raison des embouteillages monstres qui encombrent les autoroutes de Washington (si on a un plan de la ville, il vaut mieux passer par les rues, on gagne un temps précieux), et l'absence de tout magasin d'alimentation dans le secteur. Le stationnement est libre pendant les fins de semaine, mais très restrictif en semaine (de nombreux stationnements sont alors réservés aux détenteurs de permis spéciaux, qui travaillent sur place).

Quinzaine du 11 au 24 juin 2001
La même quinzaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Du 25 juin au 22 juillet 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Nous comptions sur notre séjour à Québec pour effectuer toute une série de travaux, comme refaire l'étanchéité du toit... Mais la pluie incessante a quelque peu contrecarré nos projets. Nous avons flâné un peu au Festival d'Eté, mais j'ai fait peu de découvertes cette année, à part la voix ensorcelante de Boubacar Traoré.

Pour finir, le décès de Mémé Flo a achevé de donner un goût quelque peu amer à ce retour à Québec.

Les funérailles passées, nous partons pour les Maritimes, où nous espérons retrouver un peu d'entousiasme et de bonheur...

Du 25 juin au 22 juillet 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Quinzaine du 23 juillet au 5 août 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

En parcourant le New Nouveau Brunswick...

La première des Provinces Maritimes du Canada que nous parcourons est le Nouveau-Brunswick. Je la découvre avec un petit pincement au coeur, car c'est à Saint-Quentin, dans le Nord du Nouveau-Brunswick, que mon père est né. Mais nous laissons la partie "pèlerinage" pour plus tard et commençons par descendre le cours du fleuve Saint-Jean, ou Saint-John.

Première constatation: nous sommes ici dans la seule et unique "Bilingual Province Bilingue" du Canada. Toutes les inscriptions, ou presque, sont bilingues. On a pu noter un effort appréciable de fournir un service dans les deux langues, dans tous les sites officiels, touristiques ou autres.... Des programmes d'immersion permettent aux anglophones d'être scolarisés en Français pour acquérir cette seconde langue, et, du moins à Fredericton, la Capitale, ces programmes ont un certain succès. C'est si rare de voir des anglophones faire de tels efforts qu'il convient de le saluer.

Le Nouveau-Brunswick compte environ 700 000 habitants, dont un tiers de francophones (Acadiens) et deux tiers d'anglophones. Les Acadiens du Nouveau-Brunswick occupent la partie nord-est de la Province, le long de la frontière du Québec et de la côte du Golfe du Saint-Laurent, au Sud de la Gaspésie, jusqu'à l'isthme qui relie la Nouvelle-Ecosse au Nouveau-Brunswick. Les Anglophones occupent la partie sud-ouest, le long de la frontière du Maine, le plus souvent confondue avec le fleuve Saint-John, ainsi que la côte de la Baie de Fundy. Le Centre de la Province est pratiquement vide, peu de routes y pénètrent.

Les Acadiens qui peuplent le Nouveau-Brunswick sont les descendants de ceux qui furent déplacés de l'actuelle Nouvelle-Ecosse, ancienne Acadie (bien que les frontières de ladite Acadie n'aient jamais été tracées précisément), et qui trouvèrent refuge plus au Nord, ou y revinrent après divers déplacements. Le Nord du Nouveau-Brunswick en effet, ainsi que l'actuelle Ile du Prince Edouard (anciennement Ile St Jean) et l'actuelle Ile du Cap Breton (anciennement Ile Royale), restèrent sous domination française beaucoup plus longtemps que l'actuelle Nouvelle-Ecosse, d'où furent chassés en 1755 les Acadiens. (Episode connu sous le nom de Grand Dérangement).

Les anglophones du N.B., eux, arrivèrent en deux vagues d'origine et de culture bien différentes. Les premiers furent les Loyalistes fuyant la Révolution Américaine. Ceux-ci voulaient rester fidèles à la couronne Britannique, et ce sont eux qui fondèrent le Nouveau-Brunswick. En témoignent les noms des villes et des rues: rues Queen, King, Brunswick (la Reine Charlotte, d'origine germanique, était duchesse de Brunswick), Fredericktown, devenue Fredericton (Frederick, second fils du Roi George III)...

Mais une deuxième vague d'immigration anglophone fut constituée par les Irlandais fuyant la grande famine. Ceux-ci, catholiques, et pas toujours en excellents termes avec les Britanniques, se retrouvèrent d'une certaine façon, les alliés objectifs des Acadiens. En résulte un curieux équilibre des forces qui a sans aucun doute contribué à façonner le bilinguisme actuel du Nouveau-Brunswick.

A quoi ressemble le Nouveau-Brunswick? A vrai dire, cela dépend un peu de votre humeur du moment.

Les jours de déprime, voila ce qu'on voit: des collines, vieilles montagne usées jusqu'à la corde, plus ou moins pelées, car les sapins et épicéas rabougris qui les revêtent ne parviennent pas à cacher leur squelette de schistes sombres. Parmi les résineux, quelques bouleaux chétifs et quelques saules maladifs, la moitié d'entre eux morts de froid, entremêlent leurs branches desséchées. Dans les fonds des vallées, les troncs pourrissants et les branches mortes jonchent un sol marécageux, où des moustiques, abondants malgré le froid, achèvent d'éclore dans les fondrières puantes. L'odeur puissante et nauséabonde d'une moufette (skunk) achève de vous tourner le coeur, surtout lorsqu'elle se mêle à celle des usines de pâte à papier. Les routes défoncées vous emmènent entre deux murs d'arbres monotones, qui sont trop bas pour être majestueux mais cependant assez haut pour vous boucher la vue, vers un ailleurs toujours semblable. Les poteaux, abîmés, tannés par les intempéries, portent des écheveaux de fils noirâtres entortillés, et, parfois, un énorme transformateur ressemblant à une poubelle signale la présence d'une maison de bois mal entretenue, perdue dans cette immensité désolante.

Le long de la Baie de Fundy, à chaque marée haute, les eaux glaciales viennent lécher la côte, et l'haleine froide et brumeuse de la mer vous transit jusqu'à l'os. Cette côte est triste, inhospitalière, et les traces indélébiles de la "Révolution Industrielle" achèvent de vous mettre le moral par terre. Là, une colline éventrée, pour extraire jadis quelque minerais, voisine avec des monticules de scories, et, la végétation, déjà malmenée par les rudes hivers, se révèle incapable de couvrir les traces de ce forfait. Plus loin une papeterie vomit, par ses cheminées hideuses, une épaisse et âcre fumée, entourée de bâtiments de tôles plus laids les uns que les autres. Les maisons sont aussi tristes que le pays, et malgré l'été, peu de fleurs viennent égayer leurs murs ou leurs jardins, qui ressemblent plus à des terrains vagues qu'à autre chose. Comme si, dans un pays où le bois des maisons reste souvent brut, sans peinture, sans chaux..., faire pousser des fleurs apparaissait comme un luxe qu'on ne peut se permettre.

Quand le pays est rude, on dirait que l'erreur humaine est moins facilement pardonnée. La terre, violée par les coupes à blanc de l'industrie forestière du siècle dernier, arbore un air de perpétuel terrain vague, aussi éloigné de la beauté sauvage des lieux naturels que du sage ordonnancement de la terre cultivée et entretenue.

A vrai dire, beaucoup de ce que je viens de dire (méchamment) du Nouveau-Brunswick s'applique d'une façon générale à l'ensemble du Canada, du moins pour tout ce que j'en ai vu jusqu'à présent, depuis l'Ontario jusqu'au Nouveau-Brunswick en passant par le Québec. Avoir voyagé pendant six mois plus au Sud, sous des cieux plus cléments, m'a hélas ouvert les yeux sur le côté austère et âpre de mon pays d'origine. Cela est tellement vrai que de nombreux immigrants européens, Français, Belges, ou autres, après avoir été bluffés par les vastes étendues sauvages, les hivers blancs, les lacs et forêts à perte de vue... finissent par s'en retourner en Europe, maudissant le froid, le manque de diversité culturelle, et l'incroyable monotonie des paysages.

J'ai beaucoup pensé à mon père, bien sûr, en me disant qu'il n'est jamais trop tard pour comprendre... Comme je voudrais pouvoir le remercier, maintenant, d'avoir quitté le Canada et de nous avoir élevés ailleurs! Comme je comprends mieux à présent l'amour qu'il avait pour l'Europe. Et comme me paraissent évidentes les raisons pour lesquelles il a voulu finir ses jours en France!

Mais bien sûr, il y a des moments de grâce. Par endroits, par moments, dans un lieu où l'hiver s'est fait moins cruel, le feuillage miroitant des bouleaux et des saules offre un joli contraste avec le vert profond des résineux. Les bords de route s'illuminent du jaune d'or des Solidages et du pourpre des Salicaires et des Epilobes, qui atteignent parfois deux mètres de haut; et même les marécages peuvent vous sourire, décorés de massettes (typha) et autres roseaux, surtout lorsque le sifflement mélodieux d'un limicole de passage se mêle au murmure du vent.

Vers le haut de la Baie de Fundy, là où elle change de nom et devient, côté Nouveau-Brunswick, la Baie de Chignecto, se trouve le Cap Enragé. Je voulais voir cet endroit, qui a inspiré à Zachary Richard (le plus connu des musiciens Cajuns, soit dit en passant pour les mauvais élèves qui n'ont pas suivi le début du voyage) une de ses chansons les plus mélancoliques... Un brouillard à couper au couteau nous a cueillis par surprise sur le chemin, et nous avons décidé, parvenus sur place, d'attendre le matin pour pouvoir voir quelque chose. Un phare, situé à moins de cent mètres de nous, ne nous apparaissait que par ses éclairs verts et les trois sons étranges, intermédiaires entre le son d'une trompe et celui d'une cloche, qu'il émettait régulièrement, pour signaler sa présence, dans le brouillard, aux navires croisant dans ces parages (les téméraires!). Avec le bruit des vagues en contrebas d'une falaise qu'on ne pouvait voir et le vent qui chahutait un peu notre véhicule, nous avons passé là une nuit au charme mystérieux. Au matin, le brouillard était toujours là, et je ne sais toujours pas à quoi ressemble Cap Enragé... mais je comprends encore mieux les belles paroles de Zachary Richard....

Quinzaine du 23 juillet au 5 août 2001
La même quinzaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc


Semaine du 6 au 12 août 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc

Coup de blues en Nouvelle-Ecosse

Je crains d'avoir été très injuste avec le Nouveau-Brunswick, la semaine dernière. Non, non, tout n'est pas si moche au Nouveau-Brunswick! Et il n'est pas vrai qu'aucun endroit au monde n'est aussi ennuyeux. Pour s'en convaincre, il suffit... de visiter la Nouvelle-Ecosse!

D'abord, au Nouveau-Brunswick, il y a des Acadiens. En Nouvelle-Ecosse, oh, allez, il en reste bien un peu! Les Acadiens semblent être de ces gens qui ont l'esprit de survie si exacerbé et la tête si "dure" qu'on a beau les déporter, brûler leurs maisons, détruire leurs récoltes, les éparpiller aux quatre vents, il en restera toujours quelques uns qu'on pourra exhiber le temps venu aux touristes ébahis. Ils voisinent sur les cartes routières touristiques à côté de leurs amis les Micmacs, pour donner de l'attrait à des régions par ailleurs totalement dénuées d'Histoire et d'originalité.

Cette semaine, nous avons terminé la visite de la première moitié du Nouveau-Brunswick, la partie anglophone, en visitant un peu Moncton, ville bilingue... 30% de francophones, 70% d'anglophones, la ville de Moncton est à l'image de la Province. C'est dans cette région qu'est né le "shiac", un mélange étonnant et amusant de français et d'anglais. Cet affront cinglant à la pureté de la langue française, je devine qu'il doit indigner bon nombre de Québécois soucieux de l'avenir de la langue de Molière... et de la Sagouine! Mais moi, il m'amuse...

La Sagouine, pour ceux qui ne la connaissent pas, est un personnage inventé par Antonine Maillet, Acadienne du Nouveau-Brunswick, lauréate il y a quelque temps d'un prix Goncourt pour son roman Pélagie la Charrette. La Sagouine est en quelque sorte la grande soeur de Pélagie, car née avant, dans une pièce de théâtre. Je n'en dis pas plus car (chut chut!) je vous avoue n'avoir lu ni l'une ni l'autre de ces oeuvres... Mais je suis encore jeune et j'ai la vie devant moi, je suis sûre que je trouverai un jour le temps de réparer cet oubli.

Pour en revenir au "shiac", il est de toute évidence couramment parlé dans la région de Moncton, par exemple à Shediac, localité côtière connue par ailleurs pour ses délicieux homards (vous voyez qu'il y a des choses au Nouveau-Brunswick...). J'ai laissé traîner mes oreilles sur les pontons d'un petit port où la chaleur poussait les gens à se jeter à l'eau, avant de remonter par une échelle de fer implantée sur le bord du quai. Les gens s'amusaient bien, et moi aussi, ravie d'entendre des phrases comme "No no no, we go à l'aut' boutt'" ou "Alexis, watch où c' tu sautes next time!".

Curieuse comme je le suis, je me pose des tas de questions. Qu'est-ce qui détermine en quelle langue le mot sort? Par exemple, cette femme qui vient de réprimander son Alexis encourage ensuite sa fille à "jumper" dans l'eau, et non pas à sauter... Et puis, comment conjugue-t-on les verbes "watcher" et "jumper"? Je watche, tu watches, il watche? Ou bien je "watch", tu "watch", il "watch"?

Malheureusement, nous devons tourner le dos au Nouveau-Brunswick au moment où il commençait juste à m'intéresser, pour nous engager en Nouvelle-Ecosse (Nova Scotia, pour les anglophones). Peut-être est-ce la raison qui m'a fait détester la Nouvelle Ecosse? Ou est-ce parce que je n'accepte pas de voir l'ancienne Acadie transformée en "Nouvelle Ecosse"? Toujours est-il que je n'ai guère trouvé d'intérêt à cette brève incursion en Nova Scotia, malgré mon amour de la Bretagne, à cause de cet amour peut-être... Car si on cherche quelque chose de positif à dire sur la Nouvelle Ecosse, on ne pourra guère trouver que celle-ci: la Nouvelle Ecosse est entourée par la mer. Et la mer, eh bien, pour ceux qui l'aiment, c'est toujours une présence agréable. Cependant, au risque de paraître insensée, j'ose affirmer que la présence de la mer n'est pas si flagrante, en Nouvelle-Ecosse, même quand on roule pendant plus de 200 kilomètres le long de sa côte Est, celle qui donne sur l'Océan Atlantique lui-même...

La côte est en effet si découpée, et les petites criques le long desquelles on roule si encombrées d'îles (immuablement couvertes de petits sapins, bien sûr), que la houle du large n'y pénètre pas du tout, et l'eau est aussi plate que celle d'un lac. D'ailleurs, de nombreux lacs jalonnent aussi la côte, et, à moins d'y goûter, où d'observer la végétation qui y pousse, impossible de distinguer ce qui est salé et ce qui ne l'est pas.

Ensuite, il n'y a pas beaucoup d'oiseaux marins, vous savez, le genre de goélands que les ignares appellent mouettes et qui criaillent à qui mieux mieux autour de vous... Je suis peut-être vieux jeu, mais il me semble que la mer sans oiseaux marins... ce n'est pas vraiment la mer. Où sont-ils donc? Force est de constater que les goélands sont peu nombreux, et peu bavards, tout simplement parce qu'ils ne sont pas occupés à se disputer les reliefs que les marins-pêcheurs leur jettent lorsqu'ils nettoient leurs prises en rentrant au port... et donc ce qui manque en fait, ce sont les gens! Pratiquement aucun bateau sur l'eau, pas de villes ni même de villages, juste des maisons éparpillées le long de la côte, avec une étonnante régularité, autour de ces petites criques monotones et brumeuses, et toujours les mêmes foutus sapins. Ne riez pas, c'est peut-être le rêve pour vous, mais après des dizaines et des dizaines de kilomètres de routes défoncées (la Nouvelle Ecosse bat le record, sans aucun doute, dans ce domaine) où les virages, l'un après l'autre, révèlent sans fin exactement le même paysage, et quand en plus le brouillard vous empêche de voir plus loin, et qu'il fait trop froid pour se baigner, et que le linge ne sèche pas quand vous faites une lessive... Vous finissez par vous demander ce que vous êtes venus faire en cette galère. Dans les terres, la chaleur humide vous met au supplice, sur la côte, le froid humide fige la sueur qui imbibe vos vêtements et vous êtes à deux doigts de grelotter. Comme l'a si justement dit Viviane, ce n'est jamais "juste bien!".

Il n'y a pas de ville en Nouvelle-Ecosse, à part Halifax et son vis-à-vis de l'autre côté de la Baie, Dartmouth. A elles deux ces villes totalisent environ 190.000 habitants. Un "downtown" moderne, formé de gratte-ciel, borde la rade de Halifax, serré de près par la Citadelle de forme étoilée, "excellent exemple de l'architecture militaire du Canada au XIXème siècle". Un agréable quartier résidentiel s'étend ensuite à l'Ouest de cette citadelle. Le tableau est somme toute assez banal, et la vocation très militaire de cette ville ne nous enthousiasme pas outre mesure. De plus, le centre ville est étroit et les bureaux d'information touristique n'ont même pas la délicatesse de nous offrir un terrain de stationnement gratuit... Tout cela n'encourage pas à rester! A Fredericton, au moins (capitale du Nouveau-Brunswick), on offrait aux touristes un permis de stationnement gratuit pour 3 jours!

Vous chercherez en vain en Nouvelle-Ecosse un Musée consacré à l'histoire de la Province. C'est d'ailleurs vrai pour le Canada en général. Les Etats-Unis nous avaient habitués à profiter des lumières d'un tel musée pour chacun de ses Etats. Même si parfois l'histoire de l'Etat paraît bien courte, ça nous permet au moins d'avoir une idée générale, de nous orienter dans le reste de notre visite. Et puis, ces Musées américains avaient aussi un autre avantage, considérable: ils étaient GRATUITS! Ici, donc, rien de tel. Et difficile de prévoir, avant de l'avoir vu, si un Musée en vaut la peine. Ayant quelques difficultés avec notre budget en ce moment, on a un peu de mal à faire autre chose que parcourir la contrée, à la recherche d'une impression, dans l'espoir d'un quelconque dépaysement ou d'une surprise... Rien de tel ne s'est produit en Nouvelle-Ecosse. Les points les plus jolis ou pittoresque que nous avons pu voir sur ses côtes n'arrivent pas à la cheville du premier petit port breton venu.

L'une des attractions touristiques, citée dans tous les guides, photographiée sous toutes les coutures et figurant sur la moitié des objets-souvenirs frappés du sceau de la Nova Scotia, c'est le phare et le village de Peggy's Cove. Si ça se trouve, vous en avez déjà vu la photo. C'est un phare blanc et rouge (tous les phares du Canada Atlantique, ou presque, sont blancs et rouges), planté dans du granite, face à la mer (à cet endroit, -miracle! - , il y a des vagues). Derrière lui, autour d'un tout petit port naturel creusé dans le granite, on trouve une petite vingtaine de maisons de bois, certaines sur pilotis, et quelques petites barques de pêcheurs. Quelques piles de casiers à homards achèvent de planter le décor de ce "picturesque, lovely, peaceful Fishermen's village". Et, comme pour faire plaisir aux touristes, certains pêcheurs ont l'amabilité d'aller jeter leurs casiers à portée de vue de fameux phare. Il ne vous restera plus qu'à acheter quelques cartes postales, et à les poster depuis le phare (qui sert de bureau de poste), avant d'aller déguster un repas de fruits de mer (panés et frits, selon la tradition Nord Américaine) au restaurant-magasin de souvenirs... Souriez, vous avez vu TOUTE la Nouvelle-Ecosse!

Une Américaine m'a dit un jour: "Pourquoi donc venez-vous ici? Nous, nous rêvons d'aller en Europe!" Il y a des moments où je me le demande aussi... Mais, à vrai dire, ce n'est que depuis qu'on est revenu au Canada que la question me hante.

Alors, vous qui rêvez d'horizons lointains, sachez que vous gaspilleriez votre temps et votre argent en venant en Nouvelle-Ecosse. Allez donc à Saint-Malo et regardez-y la mer de ma part. Un grand navigateur, je pense que c'était Bougainville, n'a-t-il pas déclaré après maints et maints voyages: "La plus belle baie du monde, c'est la Baie de Saint-Malo"?

Semaine du 6 au 12 août 2001
La même semaine vue par Viviane Nicolas Sophie Luc



La suite du journal de Sophie

Retour en haut de page